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ET DE L'iNbUSTRlE. 249 l'art de l'utile, d'un côté, et du culte, de l'autre, en lui accordant une existence propre, nous lui avons donné une importance dont les anciens ne se doutaient pas. L'indépen- dance abstraite de l'art a fait l'indépendance personnelle de l'artiste; nous le tenons pour souverain dans un domaine qui est a lui et dont nous nous excluons volontairement nous mêmes, sachant bien que nous ne sommes pas assez préparés pour y entrer. Ne lui parlez plus de son travail, il remplit une fonction. Platon serait mal venu de nos jours a vouloir démontrer que l'artiste, en produisant un chef-d'œuvre, ne travaille pas a sa perfection intérieure et a la perfection d'autrui; l'artiste répliquerait non, sans raison, qu'une belle statue ou une belle peinture révèle l'homme à l'homme aussi bien qu'une page de philosophie et de morale, et que par cette considération l'art est aussi, à sa manière , la mise en pratique de la fameuse maxime : connais-toi toi-même, sur laquelle Socrate faisait reposer toute sa philosophie. Winkelmann n'a t-il pas dit : lorsque je suis en présence de l'Apollon du Belvédère je prends moi-même une attitude noble afin de le contempler avec dignité? (1) Mais si nous sommes supérieurs aux anciens par le res- pect et l'estime que la valeur intellectuelle de l'artiste nous inspire, nous leur sommes de beaucoup inférieurs sur un autre point; nous comprenons moins l'œuvre de l'artiste; partant nous avons moins d'admiration pour elle ; or, c'est précisément dans cette chaleur d'admiration que l'artiste grec trouvait sa principale récompense, celle qui le flattait le plus ; et a vrai dire, il n'y en a aucune qui puisse lui être comparée. De nos jours, tous tant que nous sommes, en présence d'une œuvre d'art, nous hésitons à nous prononcer. A moins que l'ignorance ne nous rende présomptueux, nous sentons (1) Adolj)he Pictct : du Beau dans la nature, l'art et la poésie.