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   EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS
                   1858-1859.
          MONSIEUR LE DIRECTEUR,
   Auriez-vous la bonté de me confier, pour cette année seulement, le
 compte-rendu de l'Exposition? Si je n'ai pas les connaissances et le talent
 de vos collaborateurs habituels je tâcherai de racheter par la brièveté et la
concision toutes les qualités qui me manquent.
         « A propos de tableaux comme à propos de livres
              • Les longs articles me font peur. »
               <
   L'Exposition de cette année est belle, et si les six cents numéros du livret
n'indiquent pas tous des chefs-d'œuvre ils rappellent en général des toiles
qui méritent une attention sérieuse, quelques unes même une admiration
sincère ; commençons par deux tableaux vraiment hors ligne, qui ont dis-
paru dès les premiers jours.
   Deux batailles envoyées par M. Echangé et portant les n o s 39 et 40, ont
été en effet retirées, par un prince russe, dit-on, leur acquéreur, au mo-
ment où elles commençaient à fixer les regards et les sympathies. L'une :
Charge de Cuirassiers, effet du matin, représentait une mêlée affreuse, au
milieu de laquelle se précipitait, avec une furie toute française, un magni-
fique régiment. Les boulets font bien quelques trouées dans les rangs, les
braves tombent bien çà et là , les uns blessés mettant la main sur leur
blessure, ou se traînant brrs du conflit, d'autres tués raides et mourant
tout d'une pièce ; mais les autres ! comme ils chargent cette redoute, dont
les canons font tant de mal ! comme les officiers se précipitent, l'épée à la
main, précédant à peine l'ouragan de fer qui va tout renverser ! Que la
gloire est belle puisqu'on s'expose à tant de dangers pour l'obtenir !
   L'autre, Le Soir de la Bataille, effet de soleil couchant, représente la
victoire; l'armée ennemie est en fuite et les héros que nous avons vus si
superbes et si fiers jouissent du triomphe des vainqueurs. Les rangs sont
éclaircis, la moitié du régiment a succombé et les survivants parviennent
mal à s'aligner ; les chevaux épuisés et fourbus frémissent sur leurs jambes
péniblement tendues ; le porte-drapeau, la tête enveloppée d'un foulard,
abandonne la bride à sa moulure, mais redresse son corps brisé et
meurtri, car l'Empereur s'approche, suivi de son état-major, et une parole
de satisfaction, un ruban, peut-être, vont payer tant de souffrances. La
plaine est couverte au loin de cadavres et de débris ; bien des mères vont
pleurer, mais la France comptera un succès de plus. Ces deux petites toiles
sont deux grands tableaux d'histoire ; la première est pleine d'une fougue
brûlante, la seconde est empreinte, malgré la gloire, d'une profonde mé-
lancolie. Que doit-ce donc être pour les vaincus ! L'adresse du pinceau
n'est pas tout ; on est peintre habile quand on exécute dans la perfection ;
on est grand peintre quand on donne à réfléchir.
   Le n° 475 offre un parfait contraste avec les précédents. Ce n'est plus
une mêlée furieuse, tourbillonnant au milieu de la plaine, c'est un atelier
calme et tranquille où des savants travaillent sous les yeux de leur impri-
meur. L'Atelier de Robert Esticnne, par M. Popclin, est peint sagement, sans
éclat ; rien n'éblouit les yeux, mais tout se tient, tout se lie et, dans
cette pièce modeste, personnages, machines, et accessoires, forment un
ensemble harmonieux. L'œuvre est belle, largement exécutée, les fêles sont
pleines de caractère ; l'expression du cardinal qui regarde un livre est
d'une grande vérité. Le livret nous apprend que ces graves personnages
sont Guillaume Budé, Rabelais, Valable, Tussan elle cardinal du Bellay. Au
milieu de ces célébrités on aime la ligure digne et intelligente de Pimpri-