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248                 LETTRES DE F . 0ZANAM.



                A ERNEST FALCONNET.

                                   Paris, le 10 novembre 1831.


                          FRAGMENTS.


   Puisque tu me demandes mon avis sur les idées, je l'avoue
que je crois qu'il y a confusion de ta part sur un point. Je vois
une grande différence entre l'époque patriarcale et l'époque
théosophique.
   L'époque patriarcale, la première après le déluge, me
semble beaucoup plus naïve, beaucoup plus simple que l'é-
poque théosophique. Chez le patriarche, il y a foi; héritier
de la croyance pure et sans mélange, il adore le Dieu esprit ;
il est monothéiste ; son culte est aussi peu compliqué que sa
religion ; les sacrifices humains lui sont inconnus. Le pa-
triarche représente la société tout entière à laquelle il
préside. Mais vient un âge où les hommes, plus nombreux,
ont aussi plus de besoins ; où les peuples se forment ; où les
conditions se dessinent, se limitent; où chacun prend un
ÉTAT. Alors, préoccupés par l'exercice de leurs fonctions
spéciales, renfermés dans les bornes de leurs travaux, les
hommes laissent le soin de prier et d'enseigner à ceux que
leur génie appelle plus spécialement à cette fonction ; le
sacerdoce s'élève; de domestique, il devient public ; il devient
à son tour un état, une profession, et quelquefois une caste.
A cet instant, la religion cesse de pénétrer les familles et de
s'asseoir au foyer, elle s'enferme dans les temples ; elle ne
s'exprime plus comme une instruction familière par la bouche
du père, elle est enseignée par initiation ; elle parle par la
voix des pontifes. Le patriarche occupé du soin de sa maison
et de la nourriture de ses fils, priait dans la simplicité du>
cœur, sans avoir le loisir de méditer la doctrine. Mais le