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                                BIBLIOGRAPHIE.                                87
  centre forme un jardin où se réunissent, chaque soir, les Européens avec
  leurs femmes et leurs enfants, ainsi qu'un grand nombre de Turcs et de
  Grecs qui viennent savourer leur boisson favorite, fumer le chibouk et se
  livrer à tous les délices du farniente, en écoutant une bonne musique alle-
  mande, dont les négociants établis au Caire paient les frais. » En dehors
  de la ville se trouve le superbe jardin de Choubrah « qui réalise les brû-
 lantes fantaisies des Mille et une nuits, » et l'on y remarque, le dimanche,
  « plus d'une Européenne dans des toilettes éclatantes, où régnent les indices
 du goût le plus hasardé. » J'avouerai ici, et peut-être contrairement aux
 lois de la galanterie, que je ne comprends pas comment le goût se trouve
 mis en question dans des toilettes féminines contemporaines. 11 me semble
 que le pauvre bon goût est tellement maltraité par la mode actuelle, qu'on
 doit nécessairement le mettre hors de cause. Je pense que les femmes les
 plus élégantes sont le plus ridiculement vêtues. Ces dames ont chassé
 tellement loin le bon goût, que beaucoup d'elles, habituées déjà à la ciga-
 rette, n'éprouveraient pas la répugnance de notre voyageuse, qui ne pou-
 vait mettre dans sa bouche le chibouk ou le narguilé « sans avoir mal au
 cœur, comme si elle eût été empoisonnée. » Je l'en félicite sincèrement, car
 la Vénus au tabac est une bien déplorable création.
    « Nous avons fait un pieux pèlerinage que tous les voyageurs, en Egypte,
 accomplissent scrupuleusement : Nous sommes allés visiter, dans le désert,
 l'arbre de la Vierge, sous lequel, suivant la tradition, la Mère du Sauveur
se serait reposée avec son lils, en fuyant devant les persécutions d'Hérode..
          On regrette qu'un sentiment de certitude, seul capable d'émouvoir
l'âme, en présence d'un si pieux souvenir, soit refusé à la raison humaine,
à travers l'obscurité de tant de siècles. » Hélas ! la raison, l'érudition, l'ar-
chéologie sont les grands ennemis des plaisirs de l'imagination. On fera bien
de laisser parfois de côté ces trois discoureuses et de s'abandonner un peu
à la poésie des souvenirs. Cette poésie a un immense charme quand on
stationne sur des lieux célèbres par de grandes traditions : rentré chez soi,
on pourra discuter. J'ai souvent éprouvé cette désillusion enfantée par la
réflexion, et il arrive que , dans les moments de rêverie, mon esprit aime
cependant à reconstruire ces songes effacés par l'étude.
   Nous assistons aux cérémonies des derviches hurleurs et convulsionnai-
rcs, « ce culte insensé, cette adoration stupide du Dieu de lumière et de
vérité. » En fait de pratiques religieuses, il faut avoir la plus grande tolé-
rance, et ne pas déverser le mépris sur des croyances qui ne sont pas les
nôtres. J'avoue qu'au point de vue de ma raison , ces derviches ont une
singulière manière d'honorer le bon Dieu ; mais j'aime encore mieux ces