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DES MOINES DE CLUNY. 207 Accablé, confondu par tant de témoignages, que pouvait faire le pauvre Pierre de Poitiers, lui qui s'était permis d'appeler ermites, solitaires ces savants, ces poètes, j'allais dire ces hommes de lettres? Reconnaître son erreur et faire amende honorable. C'est ce qu'il s'empressa de faire dans une nouvelle lettre à l'abbé : « Vos forêts, dit-il, je le vois bien, ne renferment pas seulement « des solitaires, comme je le disais : il s'en exhale de toutes parts « comme un doux parfum de poésie et de philosophie Bonne « santé, ajoute-t-il, bonne santé pour toujours à vos chers com- « pagnons, à vos confrères en philosophie, (comphilosophi) si « toutefois ils se croient suffisamment honorés de ce titre, eux « qui ont repoussé avec dédain le nom de solitaires que je leur « avait donné par respect, et m'ont fait payer cher de ne pas « les avoir appelés Faunes ou Satyres . » Je m'étais proposé, de lever un coin du voile derrière lequel l'abbé de Cluny essayait de se dérober à nos regards ; ma tâche est terminée. Nous avons pénétré au sein même de la solitude, séjour de calme et de paix, où le pieux abbé venait s'ensevelir, oublier le tumulte des affaires et puiser de nouvelles forces. Qu'y avons-nous vu ? Une réunion d'hommes de goût, d'esprits aimables et fins, fidèles au culte de l'antiquité, et charmant leur loisir par la lecture et la poésie ; et au milieu de cette réunion d'élite, un illustre personnage, un homme qui, par son grand caractère, marche de pair avec saint Bernard et Suger, se livrant, au milieu des bois et des montagnes, au travail pur et serein de la pensée, et goûtant, dans une agréable solitude, les douces et suaves jouissances que donne le culte des Muses. J'aime, je l'avoue, à saluer cette renaissance, sinon de la forme, du moins du sentiment poétique ; j'aime à me reporter au milieu de ces hommes qui viennent au fond des bois s'inspirer des souvenirs de l'antiquité. Ces Religieux qui repoussent le nom d'ermites et de solitaires pour prendre ceux de poètes et de philosophes ; ces moines qui, dans leur solitude, se comparent à des Faunes et à des Satyres, me font déjà pressentir le temps où le secré- taire d'un pape illustre placera , dans son enthousiasme pour l'antiquité, tous les brefs pontificaux sous l'invocation des dieux