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252 LETTRES SUR LA SARDAIGNE. ventée par quelques piémontais, qui étaient venus se lixer aux environs des anciens marais de San-Gavino. Là , passant leur vie à boire et à manger ; le soir, se promenant au serein ; la nuit, ne daignant pas se couvrir ; commettant enfin toutes sortes d'excès , ils y moururent bientôt, victimes de leur in- tempérance , comme ils seraient morts en tout autre pays. Les Sardes ne connaissent pas la fièvre, eux ; mais ce sont des hommes sobres, sages , religieux , des travailleurs infa- tigables, des amis généreux, etc., etc.... Et il commença , en l'honneur de ses compatriotes, une litanie, qui menaçait de devenir interminable, si je ne l'avais interrompu, en pronon- çant le mot de bandit.—Mais les bandits, reprit-il, ce sont des gens honnêtes et respectables comme vous et moi. Us ont eux- mêmes frappé leur ennemi , sans vouloir s'en remettre au gouvernement du soin de leur vengeance. Au fait, de quoi se mêle le gouvernement? à moi seul l'injure a été faite , à moi seul à la venger ! Oui, dans mon pays, il y a des bandits ; on assassine son ennemi, mais on ne le dépouille pas : il n'y a point de voleurs. Cependant , répondis-je, on m'a conté à l'auberge de Paoli-Latino , l'histoire d'un homme qui a été roué vif , pour avoir tué une femme, après avoir préalable- ment pillé sa maison. — Ce n'est pas ça , Monsieur , votre hôtelier vous a trompé ; moi je sais l'histoire de Juancho Ro- meri , et je vais vous la raconter. Encore une histoire! allez-vous dire? Oui , madame, et d'autant mieux que celle lettre vous est adressée. D'autres me reprocheront sans doute de n'écrire sur la Sardaigne, trop peu connue , que des rêveries incolores, dépourvues d'observations scientifiques, politiques ou morales, mais qu'y faire ? la faute en est à la nature, qui a pris si peu de peine à composer mon individu. Indifférent aux grandes questions sociales , je suis amoureux du monde visible ; les objets ex- térieurs frappent seuls mon imagination : le désir de tout