page suivante »
480 VOYAGE A VIENNE. jambes françaises ont depuis longtemps répudié, ce qui, à le bien prendre, ne leur fait pas grand honneur. Les femmes venaient après, toutes blondes, ayant en tête la mariée, qui était jolie, et si rose qu'elle ne devait plus avoir la possibilité de rougir dans les éventualités de la noce. Quant à la mère, elle ressemblait à toutes les mères qui marient leurs filles: elle était glorieuse, émue, joyeuse et attendrie; c'était un pauvre cœur bien plein et tout près d'éclater en transports ou en sanglots. Les femmes portaient sur leurs cheveux blonds une coiffure de dentelles noires mêlées de feuilles d'or, le tout haut monté et ressemblant assez, de loin, à une manière de casque bruni et doré. Toutes avaient un air d'aisance, de contentement et d'invincible santé. Elles avaient aussi géné- ralement une exhubérance pectorale invraisemblable, qui était une fiction malheureuse, si ce n'était pas une oulra- geuse vérité locale. Au milieu de ces petites villes placides, si propres, si r a n - gées, qui ont l'air d'avoir toujours leur bonheur quotidien tout fait; au milieu de ces villages si honnêtes, si hospitaliers, si frais, si blancs, qui s'étendent dans les plaines, qui s'arron- dissent en nid au flanc des collines, sous les grands ombrages, j'ai découvert pourtant des traces de désolation: il ne faut pas regarder de bien près pour trouver des misères où l'homme habite. Dans ce lieu c'était plus attristant qu'ailleurs parce que le malheur y paraissait plus imprévu et plus per- fide. Ce n'était pas la foudre; ce n'était pas l'inondation; c'était l'incendie qui y avait passé et qui avait facilement réduit en cendres les pauvres maisons en bois de tout un village. Les douces demeures étaient abandonnées, toutes noircies et béantes, les toits effondrés, les poutres branlantes, à demi rongées par les flammes. Tous les habitants avaient fui, si tous avaient pu fuir! Qui sait s'il n'y avait point de