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VOYAGE A VIENNE. 479 cent un pays d'aisance et de modération, où l'habitant se laisse aller au courant d'une vie facile, au milieu d'un bon- heur tempéré, sur une terre productive et sous une autorité paternelle. Le climat seul a des rigueurs en hiver; mais l'existence est bonne et douce, si elle est un peu végétative. Depuis les grands bruits de guerre de l'Empire français, la bonne province, alors réveillée en sursaut, a doucement reployé sa tète sous son aile, el s'est fait de longs jours de calme qu'elle n'aimerait point à voir troublés de nouveau. Un jour je m'étais arrêté dans une charmante bourgade pour y dîner. Tandis qu'on me servait, selon l'usage, le bœuf bouilli avec accompagnement de concombres en salade, en attendant le tardif potage, qui ne prend pas, comme en France, l'initiative du repas, j'entendis éclater tout-à -coup une musique bruyante dans la rue. Il n'en fallait pas tant pour éveiller ma curiosité d'étranger. C'était une noce qui venait d'arriver dans des chariots à barreaux, de quelque village voisin. La musique différait essentiellement de celle des fêles villageoises de nos provinces qui ont conservé les vieux usages. Cen'étaitpoint le tambourin ou le galoubet pro- vençal; ce n'était pas la musette d'Auvergne, la clarinette et le violon de nos ménétriers campagnards; c'était une musique peu pastorale el 1res cuivrée, car, dans ce pays, les pipeaux rustiques sont des trombones, et Tytire, sous son hêtre, y jouerait, avec Amaryllis, un duo de cornet à piston. Pour ajouter encore h la dissemblance, on jouait juste et d'accord. Si la musique était autre, autres aussi étaient les gens de la noce. Les jeunes hommes ne portaient pas sur l'oreille le chapeau provocateur el ne liraient pas des coups de pistolet. Les pères, rangés deux à deux, marchaient en tête, après la musique d'airain, vêtus de longues redingotes disgracieuses, portant tous la botte nationale sur le pantalon collant que les