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UN l'AHLKAU I)K Ml'IULLO. 265 rieux et surtout du genre religieux, en introduisant sur leurs sévères toiles une physionomie d'homme ou d'animal capa- ble de provoquer le sourire. La France alors était la pairie des convenances et de la gravité soutenue. Mais rappelions- nous que, à cette même époque, Shakspeare charmait les An- glais par ses drames étranges où le grotesque coudoie l'hor- rible ; rappelions-nous que Murillo avait reçu les leçons de Van Dick, et que, dans ce commerce, il a pu prendre quelque chose du goût naturel aux Flamands pour la nature triviale. Rappelions-nous enfin que les Espagnols semblent avoir af- fectionné ces contrastes du noble et du comique ; que ce con- traste est le fond du chef-d'œuvre le plus admirable de leur littérature ; et que c'est à un des génies les plus sérieux et les plus philosophiques de cette nation et du monde que nous devons la double création de Sancho Pansa et de son âne immortel. On retrouverait, du reste, dans l'œuvre de Murillo, d'autres vestiges de ce goût. N'avons-nous pas vu et admiré au Louvre, tout à côté de la Conception, la figure très-peu idéale, sans aucun doute, de cette vieille femme qui pile du sel dans un mortier de bois ? Murillo a aimé les animaux, et, peignant une scène de la vie d'un peuple nomade qui emmenait ses troupeaux avec lui, il n'a pas voulu exclure de sa toile cette partie inté- grante de la famille et de la tribu. Or, le mouton admis, il fallait bien lui donner son caractère. Ce petit épisode con- tribue au naturel et à la vérité. Peut-être faut-il regretter que le peintre ne se soit pas montré aussi vrai dans le paysage. C'est là le côté faible du tableau. Le rocher est bien un peu conventionnel ; le sol ne ressemble guère à ce que nous savons du désert, depuis surtout que les grandes toiles de M. Horace Vernet ont popularisé les aspects de la terre d'Afrique. En vérité, quoique plusieurs biographes louent le talent de Murillo pour le paysage, ce talent ne