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266 l'N TABLEAU DU ML'IUiXO
m'a guère frappé dans le peu d'œuvres que je connais
de lui. On sait que, pendant longtemps, il se borna à pein-
dre les figures de ses tableaux, et qu'un certain Iriarte,
très oublié d'ailleurs, était chargé des fonds. Plus tard, il
est vrai, ils se brouillèrent, et Murillo se passa de collabo-
rateur ; mais cette petite anecdote ne donne pas une bien
haute idée de sa vocation pour ce genre dans lequel on n'a
jamais réussi qu'en s'y donnant tout entier. Je serais môme
tenté de généraliser cette observation. Le génie espagnol,
avec sa tendance h l'exaltation et son goût du merveilleux,
semble avoir été peu propre, soit dans les lettres soit dans les
arts, à comprendre et à peindre la nature physique. Le chantre
de Y Araucaria a été bien plus frappé de la grandeur d'ame des
caciques que de la beauté virginale des forêts du Nouveau-
Monde ; Cervantes, si vrai dans ses scènes animées, ne nous fait
guère connaître les sites de l'Espagne ; et, en remontant plus
haut, dans ces contes admirables des Arabes, ces ancêtres, pour
ainsi dire, de la civilisation espagnole, on ne trouverait pas
une seule description soutenable. On dirait que pour cette
calme contemplation de la nature, hors de laquelle il n'y a
pas d'inspiration possible pour le poète descriptif et le pein-
tre de paysage, il faut le sang plus froid des Hollandais, et
cette disposition rêveuse qui se développe dans les brouillards
du nord. Rhuisdaél est l'idéal du genre. Cependant n'exagé-
rons rien, dans le tableau de Murillo, on le voit à tra-
vers la gravure, l'eau doit être d'une vérité parfaite, et les
lointains sont fort beaux ; de grandes oppositions d'ombre et
de lumière charment les yeux. Le rocher et le cheval du
premier plan, éclairés par la gauche, font admirablement
ressortir, par leurs teintes sombres, les effets de soleil qui, mal-
gré les nuages, dorent quelques figures, et, en particulier, au
fond du tableau, la gorge où disparaît la caravane.
On pourrai! remarquer encore que Murillo ne s'est pas as-