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cela qu'il excelle dans les genres les plus opposés. L'art du
comédien n'est, après tout, que l'imitation , non point imi-
tation servile, non point copie sans intelligence , mais rai-
sonnée et soumise à certaines exigences inséparables de la
représentation. Les exemples d'une pareille faculté de repro-
duction des types les plus dissemblables sont encore vivants
dans l'esprit de tous. Michel Perrin, le père Grandet de la
Fille de l'Avare et le Gamin de Paris peuvent à eux seuls
donner la mesure de cette étonnante flexibilité de talent.
     Bouffé ne néglige rien dans la composition de ses rôles ; il
saisit les nuances les plus imperceptibles. Vieillard, il se
donne non-seulement les allures et la marche, mais encore
les tics, les manies d'un vieillard ; jeune homme, il en a tout
le laisser-aller, toute la pétulance, toute la folie. Et puis ,
lorsqu'il a imprimé ainsi au personnage sa physionomie exté-
 rieure, il lui prêle son ame, il l'anime de ses inspirations
 brûlantes ou joyeuses, et il parvient à arracher à toute une
 assemblée d'abondantes larmes ou les éclats de ce rire franc
 et de bon aloi que le vrai talent sait seul exciter.
      Bouffé n'était point connu à Lyon. Ses premières repré-
 sentations ont attiré peu de monde, et nous en étions éton-
 nés autaut qu'affligés. Mais bientôt la salle du Gymnase s'est
 trouvée, tous les soirs , trop petite pour contenir la foule
 qui courait admirer ce grand comédien. Le génie est parfois
 méconnu, et reste momentanément ignoré; mais lorsqu'enfin
  il s'est fait jour, il s'impose par sa propre force, et ses admi-
  rateurs regrettent souvent de n'avoir pu lui rendre plutôt
  hommage et justice.
      Mlle Falcon est un autre exemple de l'espèce de défiance
  du public lyonnais en particulier pour les réputations loin-
  laines qui n'ont pas encore fail leurs preuves ici. Ses pre-
  mières représentations sur notre scène ont été loin d'exciter
   l'ardente curiosité dont elle est aujourd'hui l'objet. Et cepen-
   dant quel talisman sur une affiche que le nom de Mlle Fal-
   con , auquel restera toujours attaché le souvenir de la créa-