A boire et à manger

Les métiers de bouche dans les Petites Affiches de Lyon, 1750-1887*

*Cet article complète Guy Parguez, « L'alimentation dans les Petites Affiches de Lyon, 1750-1887 », dans Bulletin de la société historique archéologique et littéraire de Lyon, AM Lyon, 1996, p. 7-24 (BM Lyon, 114392), et, du même auteur, « Vin à vendre : Les boissons alcoolisées dans les Petites Affiches de Lyon, 1750-1887 » dans Gryphe, n° 10, mars 2005, BM Lyon, 2005, p. 32-37.

En 1750, le libraire lyonnais Aimé Delaroche lançait les Affiches de Lyon [note]Voir Henri Duranton, « Affiches de Lyon (1750-1801) » dans Dictionnaires des journaux, t. 1, Paris, Universitas, 1991, n° 34, p. 48-49. destinées à publier les petites annonces reçues au bureau d'adresse qu'il dirigeait [note]Imprimée aux Halles de la Grenette, la publication paraissait tous les mercredis.. Connu pourtant sous le nom de Petites Affiches s'il faut en croire l'avis du 28 décembre 1771, ce périodique, avec quelques changements de titre, de format, d'éditeur et une interruption due à la Révolution, reparaît en l'an X sous le titre Petites Affiches de Lyon puis Petites Affiches de Lyon, et annonces judiciaires qui se transforment le 23 novembre 1811 en Affiches, annonces et avis divers de la ville de Lyon et dure jusqu'en 1821. Le 3 décembre de la même année paraît le n° 1 du Journal des annonces judiciaires du ressort du Tribunal civil, affiches et avis divers de la ville de Lyon. En 1887, mais on ignore depuis quand, nous trouvons le titre Petites Affiches lyonnaises sous lequel la collection est connue.

Affiches, annonces et avis divers de Lyon, n° 198, 14 brumaire an 6 (4 novembre 1797), [p. 839] (BM Lyon, 951100).

Il n'entre pas dans notre propos de retracer l'histoire de ce périodique à dénomination changeante et multiple : l'état lacunaire de la collection de la Bibliothèque nous en empêcherait. Nous choisirons seulement quelques années : 1750, 1761-1762, 1771, l'an VI, 1811, 1821, 1836 et 1887, et y rechercherons ce qui concerne l'alimentation et ses métiers.

On ne sait pas tout ce qu'un plat bien préparé peut inspirer de bons sentiments aux gourmets. Plus d'un vieux garçon ne s'est décidé à épouser sa cuisinière que par crainte de ne plus manger les mets qu'elle lui servait sur sa table solitaire ! Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que ce métier figure en bonne place dans les demandes et offres d'emploi. Fait de société, jusqu'à la Révolution, les employeurs sont des particuliers, exceptionnellement des communautés religieuses ou établissements d'éducation ; on trouve ensuite de plus en plus d'hôtels et de restaurants. Quasiment inexistantes en 1750 (deux de chaque catégorie), le nombre des offres et demandes d'emploi augmente les années suivantes, avec beaucoup plus de demandes que d'offres : 23 demandes pour 7 offres en 1761, 11 demandes pour 10 offres en 1762, mais 77 demandes pour 7 offres en 1771, 35 pour 6 en l'an VI, 126 pour 31 en 1811, 31 pour 44 en 1821. Chute en 1836 : 5 demandes pour 6 offres.

Scène de café, dessin par Jean Coulon, dans La Vie lyonnaise : autrefois, aujourd'hui, par Emmanuel Vingtrinier Lyon, Bernoux et Cumin, 1898, p. 185 (BM Lyon, Rés. 156436).

Le premier café, est alors appelé "caffé", fut ouvert à Lyon, dit-on, vers 1660, par un Turc, place des Cordeliers. Presque partout dans la ville, les premiers cafetiers furent des Turcs ou des Arméniens.

Cuisiner, blanchir, coudre, repasser, lire et écrire

Parmi les chercheurs d'emploi, on note toujours ce qui a été déjà relevé : le flou des délimitations entre les différents métiers et les capacités multiples des demandeurs... le tout dans le cadre très aléatoire de l'orthographe du temps :

  1. Il se présente pour cuisinière une fille qui sait parfaitement bien la Cuisine et l'Office ; elle sait aussi blanchir, coudre & repasser, lire & écrire : il lui est égal que ce soit pour la ville ou pour le dehors. Elle donnera de bons répondants. S'adresser chez le Sieur Tissier, Rôtisseur, rue du Boeuf (22 avril 1762, p. 62).
  2. Un homme de figure prévenante &; et d'un âge raisonnable, qui entend la cuisine &; l'office, qui sait raser et friser, &; qui est en état d'être sous-gouverneur de jeunes Seigneurs, se présente pour remplir ces différentes places, &; celle d'Intendant de maison, d'économe, de chef de cuisine, ou même de concierge. Il a les plus belles attestations &; des cautions fort recevables. Son écriture est très-belle. Il est logé chez la Dame veuve Besson, rue de la Pêcherie [note]Actuel quai de la Pêcherie., au troisième étage de la maison où le Sr. Rentonet vend du vin
    » (30 septembre 1761, p. 160).
  3. Une fille âgée de quatorze à quinze ans, d'une physionomie prévenante, appartenant à d'honnêtes gens qui répondront d'elle, souhaiteroit entrer dans une bonne maison en qualité de fille d'enfants, ou d'aide de cuisine. Elle peut en s'acquittant envers ses maîtres des soins dont elle est capable à son âge, se perfectionner dans le service. Elle est sage, vive, adroite & assez forte. On en sera très-satisfait. S'adresser au Bureau d'Avis.
  4. Une fille de vingt-cinq ans, qui sait faire la cuisine & la pâtisserie, coudre et blanchir, souhaiteroit trouver sa place dans une bonne maison bourgeoise de cette ville. S'adresser au Bureau d'Avis (3 juin 1761, p. 93).
  5. Un garçon qui sait raser & accommoder, & qui entend un peu la cuisine, souhaiteroit se placer dans une bonne maison. Il conviendroit fort à un Officier, ou à une personne qui voyage, & même à un Ecclésiastique. Des personnes connues répondront de lui. S'adresser à Mde. La veuve Giraud, cul de sac des Célestins [note] Encore appelé impasse des Célestins, tout contre le couvent du même nom., au troisième étage
    (5 février 1761, p. 18).
  6. Frontispice et page de titre de La Maltote des cuisinières ou la Manière de bien ferrer la mule Paris, chez Guillaume Valleyre (BM Lyon, Rés. 389414).
  7. Un homme d'environ quarante ans, souhaite se mettre en service ; il sçait assez de cuisine pour contenter ceux qui ne se piquent pas d'avoir ce qu'il y a de plus recherché en ce genre ; mais qui sont cependant bien aise d'être servis proprement, délicatement &; avec oeconomie : il sçait raser, friser, &; s'acquittera au mieux de tout ce qui a rapport au ménage &; à la chambre (7 décembre 1750, p. 388).
  8. Un nègre très bon cuisinier, demande une place ou de cuisinier ou de domestique ; il entend parfaitement le service de la table, &; fait tout ce qui concerne l'office ; il est muni de bons certificats, &; il est enregistré à l'Amirauté, à Nantes, par le Capitaine qui l'a amené en France, &; qui l'a déclaré libre : S'adresser au petit Bacchus, rue Ecorche-boeuf [note]Actuelle rue Port-du-Temple. (12 décembre 1771, p. 231).
  9. Un jeune homme âgé de vingt ans, qui a habité très long-temps Paris, qui sait écrire, faire l'office, les sirops, les glaces, qui sait faire un peu de pâtisserie et de cuisine, qui a travaillé chez des confiseurs, et qui est au fait d'une maison de commerce, désirerait se placer dans une maison de commerce quelconque, ou dans une bonne maison bourgeoise : s'adresser au citoyen Cartry, chez les citoyens Pascal et Jubin, Liquoristes, rue Tupin, maison Carlet » (8 pluviôse, an VI, 27 janvier 1798).
  10. A l'inverse de ce jeune homme, d'autres subissent l'attrait de la capitale :

  11. Une fille âgée de trente-six ans, qui est au fait des détails d'une bonne maison, et qui sait écrire, très-bien coudre, et s'entend à la cuisine et à l'office, demande à se placer pour Paris : s'adresser à la veuve Blanc, fabricant de bas, rue Lanterne, n° 33, vis-à-vis l'Ecu-de-France, au 4e.
  12. Il est à noter que l'on trouve peu d'annonces ne concernant pas directement la cuisine :

  13. Un Jeune-homme âgé de vingt ans, qui sait écrire, et au besoin tenir les livres, et qui connaît parfaitement la distillation et les liqueurs, et un peu l'épicerie, désirerait se placer chez un marchand de vin, ou chez un marchand épicier, ou chez un marchand confiseur, ou dans un magasin quelconque : il ne demande aucun appointement : s'adresser chez M. Bon, rue Saint-Dominique [note]Actuelle rue Emile-Zola., n° 77
    (9 vendémiaire an VI, 30 septembre 1797, p. 801).
  14. "Lyons à table", estampe par Jean Coulon dans La Vie lyonnaise : autrefois, aujourd'hui, par Emmanuel Vingtrinier, Lyon, Bernoux et Cumin, 1898 (BM Lyon, Rés. 156436).
  15. Un Jeune-homme âgé de dix-sept ans, qui a travaillé un an dans la partie de l'épicerie, désirerait se placer dans un magasin de ce genre ; il n'existe aucun appointement, et il donnera de bons répondans : s'adresser chez le citoyen Roux, rue Pizay, n° 118, au 4e (14 brumaire an VI, 4 novembre 1797, p. 841).
  16. Un Jeune-homme qui sait parfaitement faire la confiture, désirerait trouver un emploi dans cette partie ; il se contenterait d'un modique traitement : s'adresser, pour les renseignements, chez le cit. Papet, Directeur de la Monnaie, dans l'hôtel de ce nom.

On lui donnera des gages honnêtes et dont elle aura lieu d'être contente

Les offres d'emploi, bien que moins nombreuses, présentent une certaine variété, en particulier par la mention de postes à l'étranger ou en dehors de Lyon :

  1. On souhaiteroit une bonne cuisinière, sage, habile & de confiance ; on lui donnera de très bons gages si elle veut aller à Naples, dans une maison de la première considération (29 septembre 1750, p. 310).
  2. On demande pour une personne, attachée à la cour de Parme, une cuisinière, qui ait toutes les qualités nécessaires pour remplir cette fonction &; qui joigne à cette qualité celle de l'économie ; on lui donnera des gages honnêtes &; dont elle aura lieu d'être contente. On paiera son voyage à Parme, &; si on la renvoyoit, on paiera aussi son retour : s'adresser à M. Boulard le jeune, Agent de Change, rue S. Dominique (21 juillet 1762, p. 114).
  3. Une personne seule désireroit trouver un domestique d'un âge mûr qui sût raser &; friser, bien écrire &; chiffrer, et qui fut accoutumé à voyager &; à courir la poste. On désireroit aussi qu'il sût un peu de cuisine ou un peu d'office, on lui donnera des gages honnêtes &; proportionnés à ses talents. S'adresser au Bureau d'Avis (14 mars 1762, p. 58).
  4. Bandeau illustrant l'article sur "La Maîtresse de table d'hôte" dans Les français peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du dix-neuvième siècle Paris, L. Curmer, 1841-1842, vol. I, [p. 206] (BM Lyon, 155405).
  5. L'on demande pour une bonne maison de cette ville un domestique qui sache bien raser, peigner les perruques, lire & écrire, qui entende le service de table & un peu de cuisine pour la faire à son maître lorsqu'il va à la campagne. Il ne portera pas la livrée des autres domestiques : s'adresser au Bureau d'Avis (25 août 1762, p. 134).
  6. Une Communauté religieuse souhaiteroit un Cuisinier qui voulût se fixer à son service ; on lui promet après l'avoir éprouvé quelques temps, de passer un contrat civil ou tel autre engagement qu'il pourra désirer (17 mars 1750, p. 85).
  7. Le cit. Mathieu, Confiseur, actuellement rue de la Barre, mais à Noël prochain rue de l'Enfant-qui-Pisse [note]Ancien nom d'une partie de l'actuelle rue Lanterne., désirerait trouver un jeune homme pour Apprenti, âgé d'environ quinze ans, moyennant une médiocre pension
    (7 brumaire an VI, 28 octobre 1797, p. 833).
  8. On demande pour le courant du mois de juin, une fille ou femme de 20 à 40 ans, domestique et cuisinière pour un ménage de trois personnes, à la ville. La propreté des appartemens et la cuisine seront sa principale occupation. Le garçon domestique sera chargé de ce qu'il y aura de pénible. On lui donnera un gage après les bons renseignemens qu'elle fournira : s'adr. Chez M. Collombet, toilier, rue Terraille, n° 4 (16 mai 1821, p. 7).
  9. On désire trouver un Jeune-Homme appartenant à une famille connue, pour l'occuper en qualité d'apprenti dans un très-bon hôtel ; on lui apprendra la cuisine, la pâtisserie, etc. et on le fera jouir de divers avantages : s'adresser à M. Combert, tapissier, rue Saint-Dominique, n° 10, à Lyon (même date, p. 6).
  10. Nous noterons à plusieurs reprises en 1836, par exemple le 22 décembre, p. 6, une annonce collective :

  11. MM. Les Limonadiers de la Ville de Lyon et de ses faubourgs viennent de former un bureau pour le placement des garçons de leurs Etablissemens. Ceux qui le désireront se placer peuvent s'adresser au Bureau, rue Port-Charlet [note]Rue de la Ferrandière depuis 1854., n° 4, à l'entresol.
Bandeau illustrant l'article sur "L'Aubergiste" dans Les Français peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du dix-neuvième siècle, Province Paris, L. Curmer, 1861-1862, vol. I, [p. 322] (BM Lyon, 155406).

Quand arrivent les restaurants

Bien des gens ne voulaient ou ne pouvaient prendre leurs repas chez eux. Ils devenaient alors clients des traiteurs ou restaurateurs, ce dernier terme se rencontrant pour la première fois le 12 frimaire an VI (2 décembre 1797). Nous pouvons suivre le développement des services offerts, le soin apporté à la manière de les mettre en valeur. Notre documentation commence justement avec l'annonce du 12 frimaire an VI, p. 874 :

  1. Le citoyen Prevost, Restaurateur, l'instar de Paris, demeurant ci-devant place Confort, vis-à-vis la place de l'Herberie, au coin de la rue Saint Côme [note]La rue Saint-Côme est devenue la rue Chavanne en 1911., au 1er, tient Table d'hôte à deux heures précises, à 50 sous par personne, et donne à manger à la carte dans le dernier goût et avec la plus grande propreté ; on y trouvera toute sorte de mets, ainsi que déjeunés froids à l'anglaise, vins étrangers, et des appartemens très-commodes : il se charge de tous repas à porter en ville ; et il reçoit tous les journaux. Il se flatte que ceux qui l'honoreront de leur présence, seront satisfaits, tant pour la bonne chère que pour le prix.
  2. On remarquera aussi un singulier mélange des genres dans l'offre de location du 9 messidor an VI, p. 2020 :

  3. Superbe local, propre à un cafetier, restaurateur, ou autres, faisant partie d'un nouvel établissement, sous le nom de Jardin de Tivoli, à l'instar de Paris ; à louer pour la foire de Beaucaire. Cet établissement, auquel une compagnie apporte tous ses soins, en y réunissant illumination, feux d'artifice par Ruggieri, artiste de Paris, bals et concerts, ne laisse rien à désirer pour la beauté du local. Les entrepreneurs donneront incessamment le prospectus des Fêtes qu'ils se proposent d'offrir, tant aux habitans, qu'aux étrangers qui se rendent à la foire : s'adresser aux citoyens Petit et compagnie, chez le citoyen Vignol, à Beaucaire.
  4. Tables d'hôte, encore, mais cette fois-ci dans un hôtel, comme l'indique l'entrefilet du 2 janvier 1811, p. 8 :

  5. Le S.r Nicolas Cottu, arrivant de Paris, et tenant l'Hôtel de Bordeaux, rue du Plâtre, maison Ayné, à l'angle de la place St-Pierre, au 1er, donne avis qu'il tient Table d'hôte à deux heures et à quatre heures très-précises, à un franc 50 centimes par tête ; il prend des pensionnaires, porte en ville et tient des appartemens pour la commodité de ceux qui voudront prendre leur repas en particulier. Il ose se flatter que les personnes qu'il aura l'avantage de servir, seront satisfaites, soit de la propreté et de la bonté des mets, soit de la célérité qu'il mettra à exécuter leur volonté.

Quelques mois plus tard, le 30 novembre 1811, p. 11, la formule change :

  1. Le S.r Nicolas Cottu, à l'angle de la place Saint-Pierre et de la rue du Plâtre, n° 8, donne avis qu'il vient de rendre son établissement agréable et commode, et qu'il tient une carte des mets les plus recherchés et de tout ceux que peut produire la saison. Il servira toujours à une heure, à deux heures et à quatre heures, à 1 francs 50 centimes par tête ; il ne négligera pas l'éclairage et le chauffage : enfin, il espère que la modicité des prix, la propreté et la célérité à servir ceux qui lui feront l'honneur de venir chez lui mériteront leur confiance. Il porte en ville, et traite les sociétés les plus nombreuses.

Admirez aussi le tour choisi par un concurrent, le 12 octobre de la même année, p. 6 :

  1. Rien de plus commode et de si utile qu'un bon Restaurateur à l'instar de Paris ; on dépense ce qu'on veut, et l'on mange à l'heure qu'on désire. Le S.r Pujos, restaurateur en ce genre, a l'honneur de faire servir depuis huit heures du matin jusqu'à dix heures du soir, à la carte, à prix fixe et modéré. On y trouve un assortiment de 80 à 100 articles. Déjeuners froids ou chauds, et sur-tout de bons Potages, à 30 centimes. On y est servi avec promptitude et grande propreté, dans un très-beau local, place des Terreaux, à côté de l'hôtel de Milan, en face de la Bourse [note]Depuis la Révolution, la Bourse de Lyon était installée dans l'ancien réfectoire du couvent des bénédictines de Saint-Pierre, lequel servait aussi, le cas échéant, de salle de concerts. Place des Terreaux, l'hôtel de Milan était alors l'un des plus réputés de la ville., n° 109, au 1er.

Linge blanc, couverts d'argent et pain à discrétion

    En 1821, on se préoccupait toujours d'appâter le client avec des prix modiques :

  1. Dîners à 22 sous. On servira un potage, trois plats à choisir, du dessert, du pain à discrétion et un carafon de bon vin. Le couvert sera servi en argenterie avec du linge blanc. Les dîners seront prêts depuis midi jusqu'à quatre heures, et toute la matinée on trouvera des déjeuners au même prix. Rue Neuve n° 6, près de la place de la Fromagerie, entre les deux pâtissiers, l'allée traverse rue Gentil, n° 3 (10 octobre, p. 10).
  2. Le 10 janvier 1821, p. 11, on faisait saliver le lecteur :

  3. Le sieur Thiot, traiteur, place de la Comédie, et rue Pizay, n° 14, à l'enseigne des Quatre-Saisons, a l'honneur de prévenir le public, qu'il vient d'établir un buffet de comestibles ; il est toujours pourvu de toutes sortes de gibier, ainsi que la marée, et de beaux chapons de Bresse, première qualité ; on y trouvera toujours du chevreuil, des faisans, du sanglier, des langues fourrées de Strasbourg, etc. Il vend apprêté et non apprêté ; il ne négligera rien pour répondre à la confiance de ceux qui voudront bien s'adresser à lui.
  4. On comprend que toutes ces délices aient inspiré le journaliste et critique Jean de Volta qui déclarait dans le numéro du 21 janvier 1887 : Que voulez-vous, chers lecteurs, j'ai un faible pour la bonne nourriture, pour le bon vin, à la condition que tout cela ne coûte pas trop cher (je suis sûr que vous avez la même manière de voir). A Lyon, presque partout, et surtout dans certains coins que nous connaissons tous, pour des prix plus que modérés, on rencontre ce confortable de nourriture, et ce choix de vins excellents, que, pour le même prix, vous ne pourrez jamais obtenir à Paris. A Paris, vous aurez certainement tout ce que vous voudrez, mais il faut payer, et payer chaud.

    Jean de Volta ne devait pas fréquenter « Au bouillon gras » (15 mars 1887, p. 27) qui offrait des dîners à 60 centimes, des soupers à 40, avec cet alléchant menu :

    Le Cuisinier, dessin par Jean Coulon, dans La Vie lyonnaise : autrefois, aujourd'hui, par Emmanuel Vingtrinier Lyon, Bernoux etCumin, 1898, p. 151 (BM Lyon, Rés 156436).
  5. Matin. - Un bouillon gras ou maigre, un naturel, un plat de maigre, pain 250 grammes, un verre de vin. Soir. - Un bouillon, un légume, pain 250 grammes, un verre de vin.
  6. Mais à 44 centimes le kilo de pain chez le boulanger, il ne fallait pas rêver !

    De 16 en l'an VI, les annonces de traiteurs restaurateurs bondissent à 73 en 1811, redescendent à 52 en 1821 et à 35 en 1836. Les annonces de cafés et cabarets se développent aussi, sur le tard : 2 de cabaret en 1750 et 1761, 12 en 1762 et 1771, année ou apparaît une annonce pour un café. En l'an VI, on trouve 36 annonces de café et 3 de cabaret pour 18 et 17 en 1821, 126 et 23 en 1821, 114 et 6 en 1836.

    Il est vrai que cette distinction reste quelque peu académique, témoin l'annonce du 10 janvier 1821, p. 3 :

  7. Fonds de café-cabaret dans un joli emplacement.
  8. Le texte de ce genre d'avis restera souvent court, sauf demandes particulières :

  9. Une personne qui a un Cabaret très achalandé, & dans un joli quartier, souhaiteroit que quelque bourgeois voulût lui donner du vin à vendre. Il pourroit être assuré d'un prompt débit. Il y a une chambre au dessus du Cabaret que l'on cederoit au bourgeois qui fourniroit du vin, pour y coucher s'il le jugeoit à propos. Si quelqu'un veut entendre à cette proposition, il peut s'adresser au Bureau d'Avis ; on lui indiquera la personne qui fait cette demande (19 mai 1762, p. 79).

A côté ou conjointement aux offres d'emploi, figurent les offres de vente de fonds, avec parfois mention de ce qu'il contient :

  1. Fonds de Café, dans un des plus beaux quartiers de cette ville, avec subrogation au bail ; il est composé d'un beau et bon billard, poêle de faïence propre à un grand magasin, poêle de fonte, tous les deux avec leurs tuyaux, tables de marbre, et autres, etc. ; avec des ustensiles de cuisine, consistant en tournebroche, casseroles de cuivre, neuves, etc. etc. et divers meubles de ménage. Ce local conviendrait parfaitement à un traiteur : s'adresser à la Portière de la maison Rocossert, quai des Célestins, n° 75 (5 frimaire an VI, 25 novembre 1797).
  2. Samedi prochain trente de ce mois, à neuf heures du matin, et jours suivans, s'il y a lieu, il sera, par le ministère de M. Bernard, commissaire-priseur, procédé à la vente des Effets mobiliers saisis au préjudice du sieur Burmont, cafetier demeurant à Lyon, place Louis-le-Grand [note]Actuelle place Bellecour., n° 8 ; lesquels consistent en deux billards garnis, douze tables en bois noyer, dont quatre avec leur dessus en marbre blanc ; glaces, pendules, tabouret de bois et paille ; poêle en fonte, ustensiles de cuisine, etc. etc. Cette vente sera faite au comptant
    (27 juin 1821, p. 6).
  3. Demain Jeudi vingt-deux février présent mois, à neuf heures du matin, dans un rez de chaussée situé à Lyon, rue de Pazzy [note]Petite rue reliant alors la rue de Savoie à la place des Célestins. et place des Célestins, n° 5, il sera procédé à la vente à l'enchère, au comptant et au détail, d'un fonds de café qui se compose de tables en bois noyer, tables à dessus de marbre, comptoir en bois noyer, chaises et tabourets, fontaine en cuivre, batterie de cuisine, tasses et soucoupes à café, gobelets, brûloire et moulin à café ; d'un billard à la moderne garni de ses queues et billes, quinquet, glace, bancs de café, une tente en coutil, cruches à bière et bouteilles à vin, planches percées et autres objets
    (21 décembre 1821, p. 7).
  4. Des agences se chargeaient parfois de ces ventes de fonds, sans se spécialiser :

  5. Fonds d'aubergiste, à la proximité des voyageurs, en pleine activité et très-achalandé, à céder de suite, pour cause de départ. - Fonds de restaurateur très-connu, et avantageusement situé dans un quartier très-fréquenté, avec la suite d'un bail de sept ans. - Fabrique de Lacets, avec tous ses accessoires. On offre de former l'acquéreur à ce genre de fabrication, et on le facilitera pour le payement. - Différens fonds de café, soit dans la ville, soit aux Brotteaux ; d'épiciers, revendeurs, logeurs, cabaretiers et autres : s'adresser à M. Girard, quai St-Antoine, n° 11, chargé du placement de diverses sommes à dettes à jour (23 mai 1821, p. 7).
  6. En revanche, les réclames visant directement la clientèle n'existe pratiquement pas. Nous n'en avons relevé qu'une seule :

  7. Le sieur Jacquet, ancien Garçon de Monsieur Antoine Spreafico [note]Glacier réputé, installé aux Brotteaux à la fin de l'Ancien Régime., a fait l'ouverture de son Café, place du Collège de Notre-Dame, dans la maison neuve ; il l'a décoré le mieux qu'il a été possible, afin d'y recevoir décemment les honnêtes gens qui lui feront l'honneur d'y venir : il les prévient qu'il donnera à lire gratis toutes les Nouvelles, tant de France que des pays étrangers ; & il donnera des marchandises de qualité supérieure
    (28 décembre 1771, p. 241).

Pas de femmes débauchées, de vagabonds ni de mendiants

Les numéros des 10 février 1750 (p. 45) et 21 novembre de la même année (p. 347-348) publient des ordonnances de Lyon et de Paris imposant toutes sortes d'obligations et d'interdictions « à tous vendeurs de caffé, Cabaretiers, Limonadiers, Eau-de-vie & autres liqueurs... » Il leur est par exemple défendu « de recevoir des femmes débauchées, des soldats, des vagabonds, des mendians », d'ouvrir les dimanches et fêtes pendant les offices divins, etc.

Les auberges et hôtels qui apparaissent épisodiquement en 1771, et en l'an VI, font régulièrement l'objet de mentions à partir de 1811 : 10 pour les hôtels, 13 pour les auberges qui deviennent respectivement 67 et 86 en 1821, 70 et 21 en 1836. Ici aussi la démarcation entre les deux catégories reste parfois floue, témoin cette notice du 20 février 1821, p. 3, dans la rubrique « à louer » :

Les Convives, dessin par Jean Coulon, dans La Vie lyonnaise : autrefois, aujourd'hui, par Emmanuel Vingtrinier Lyon, Bernoux etCumin, 1898, p. 151 (BM Lyon, Rés 156436).
  1. Hôtel non garni, distribué et décoré tout fraîchement pour auberge, pouvant contenir trente lits de maîtres et vingt de domestiques, avec écuries voûtées pour soixante chevaux, une vaste cour, un puits intarissable, un vivier, et beaucoup d'autres aisance et dépendances ; en outre, des Bains publics bien achalandés, ainsi qu'un Café et deux Boutiques ; le tout situé sur le bord du canal Monsieur, à Dole, département du Jura, maison Vuilllier frères ; à louer ensemble ou séparément : s'adr. à M. Maurice, marchand de thé, place des Célestins, n° 10, à Lyon.
  2. Hôtel du Nord [note]Dans les salons de cet hôtel se donnaient des concerts - Liszt y joua. Il était situé rue Lafont devenue en 1945 rue Joseph-Serlin. à Lyon, dirigé par le sieur Capler. MM. les Voyageurs sont prévenus que ce vaste hôtel très-connu vient d'être meublé à neuf et dans le dernier goût ; la distribution des appartements ne laisse rien à désirer. Sa position est belle ; près du Théâtre, des quais et promenades ; et au centre du commerce, MM. les Voyageurs qui l'honoreront de leur présence, y trouveront sûreté et probité. Les tables d'hôte seront successivement servies de deux à trois heures ; il y a des écuries et remises
    (18 août, p. 14).
  3. Nous y joindrons le long article vantant les mérites d'une maison de convalescence où l'on est assuré de rester en vie (18 avril, p. 23) :

  4. Maison de convalescence au château du Perron, commune d'Oullins, dans un des plus beaux sites des environs de Lyon. Cet établissement reçoit, à titre de pensionnaires, les personnes des deux sexes et de tout âge, à l'exclusion des fous. Les personnes qui n'ont pas d'infirmités, y trouveront tous les agrémens d'une vie commode et tranquille ; et les convalescentes, tous les soins et secours que leur état peut exiger : entr'autres, l'usage des différents laits d'ânesse, de chèvre, de vache ; celui des eaux minérales factices, des bains, et, au besoin, toute espèces de médicamens. Le bon choix des personnes admises, facilite les moyens de se réunir en société, en rend le séjour plus agréable aux pensionnaires. La position est des plus belle, l'air y est excellent. (Depuis un temps immémorial, il n'est mort personne au domaine du Perron). La promenade dans l'intérieur de l'enclos est facile et commode ; elle présente, à chaque pas, des points de vue nouveaux, dominant sur une grande étendue de pays. Il y a un très-grand jardin ou terrasse, dont la culture entretenue réunit l'agréable à l'utile ; il reçoit le soleil dès son lever jusqu'à son coucher ; la vue s'étend au loin, du côté du matin, sur toute la campagne du Dauphiné, jusqu'aux Alpes ; au midi, elle s'arrête agréablement sur la charmante vallée d'Yvour et le riant coteau d'Irigny, ensuite sur celui de St-Genis-laval, vers le couchant. Il y a des écuries et des remises. Le prix de la pension se traite de gré à gré. Il y a aussi quelques appartemens séparés de l'établissement, que l'on pourrait céder avec la jouissance de toutes les promenades. S'adresser à M. Gueyrand père, Docteur-Médecin, le soir, depuis trois heures, au château du Perron ; et le matin, de onze heures à midi, à son domicile, à Lyon, rue Belle-Cordière, n° 19, au 2e étage.

Comment résister à une telle description digne d'une plaquette d'agence de voyage ou de promoteur immobilier du XXIe siècle ? Le style en plus.