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aux âmes bienfaisantes J4. Cet appel naïf et touchant ne fut pas entendu ; s'il procura
aux Girard quelques subsides, les 30.000 francs indispensables continuèrent à leur
manquer. Le i e r janvier 1840, une petite feuille lyonnaise, l'Homme de la Roche, dis-
tribuant des étrennes à ses concitoyens, attribuait à la reine des Tilleuls « une nouvelle
constitution » ; ses créanciers ne lui accordèrent même pas un concordat, et, le 28 jan-
vier suivant, un jugement déclarait les époux Girard en état de faillite.
      Ils protestèrent et firent insérer dans l'Homme de la Roche, les 31 janvier, 2 et 9
février, trois lettres résumant leur défense. Les deux premières étaient signées, « par
procuration de mon mari, Femme Girard, née Marchiolety ».
      Un seul de leurs créanciers, disaient-ils, avait refusé de leur consentir un arran-
gement, et, pour 600 francs qui lui étaient dus, avait fait vendre le Pavillon. Leur passif
ne s'élevait qu'à 65.000 francs, contre un actif de 145.000 francs représenté par leur
café qu'ils estimaient 100.000 francs et par une propriété rurale et un matériel de
ferme. La vente judiciaire du Pavillon n'avait malheureusement produit que 23.000
francs.
     Ils s'élevaient contre l'hostilité de la municipalité, de la police les accusant de
« tramer une contre-révolution » ; contre les menées de « confrères cupides ». Ils
rappelaient que, protégés à leurs débuts par le comte de Brosses, préfet du Rhône, et
par « M. de Laval », maire de Lyon, ils avaient embelli et moralisé la place Bellecour,
édifié ce pavillon et cette galerie où les « artistes saluaient M m e Girard du nom de mère
et d'amie », où « toutes les classes de la société venaient battre des mains sur le passage
de la reine des Tilleuls ». Réduits maintenant à la misère, ils emportaient du moins
dans leur retraite « la conscience d'une conduite irréprochable et les regrets de toutes
les âmes honorables que révoltent l'injustice et la persécution ».




      On les avait traités assez durement, à ce qu'il semble, depuis qu'ils avaient sus-
pendu leurs paiements. Le pavillon avait été gardé militairement pendant deux nuits,
le bruit ayant couru que M m e Girard emportait 500.000 francs et qu'elle possédait de
grands domaines à Oristano, près de Cagliari, et en Piémont. Elle racontera plus tard
qu'elle a quitté son café entre deux haies de soldats, pour aller se réfugier « dans un
affreux grenier ». Ils y auraient eu faim si le curé de Saint-François n'avait eu la charité
de leur ouvrir un crédit chez un boulanger. M. Garella, ingénieur des Ponts et chaus-
sées, M. Cunisset, de la rue Sala, et quelques autres personnes avaient eu aussi pitié
d'eux et les avaient fait vivre pendant « onze mois », tandis qu'un « séquestre désolant »
les laissait absolument sans ressources.
      Seul peut-être, « un habitué du Pavillon Bellecour » prit leur défense et publia,
dans le Journal du Commerce du 2 mars 1840, une lettre où il faisait notamment re-

    14. Catal. des livres imprimés àe la Biblioth. nationale, v° Girard (M-"").