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 recevoir de personne. Il avait l'habitude de mener ses troupes Ă  la victoire
 et il aurait tôt fait de battre Livadaire. Cette réponse déplut aux Cretois.
 Chortatzès fit, sans perdre de temps, indiquer à Livadaire où et comment il
 lui livrerait Philanthropène.
       Le lendemain même, Livadaire se rendit à Nymphée, au rendez-vous
 fixé. Philanthropène, à la vue de l'armée de Livadaire, rangea aussitôt la
 sienne en bataille, et marcha contre son adversaire. Tout Ă  coup, les Cre-
 tois, qui formaient sa garde du corps, craignant peut-ĂŞtre de voir leur trahi-
 son découverte, entourent Philanthropène. « Les uns saisissent son cheval
par la bride, les autres tirent l'épée, d'autres, enfin, plus insolents, lui inti-
 ment l'ordre de mettre pied à terre » *. Philanthropène, soupçonnant alors
leur trahison, essaya de résister. Mais il fut saisi, et entraîné malgré lui au
 milieu des lignes de Livadaire. La manœuvre avait été si rapide que l'armée
de Philanthropène ne s'en aperçut pas d'abord. Livadaire en profita, et,
jetant le trouble dans les rangs des Turcs, les tailla en pièces.
       Ce succès facile surprit quelque peu Livadaire. Il craignit un retour
offensif de l'armée de Philanthropène et surtout un soulèvement des popu-
lations en sa faveur, car « sa bonté envers tous était une arme puissante
pour Philanthropène, dont tous pleuraient la perte, et les Turcs, plus que
les autres »2. Aussi, de sa propre autorité, décida-t-il de le faire aveugler, et
il le remit entre les mains de certains juifs habitués à ce travail. En vain
Philanthropène supplia Livadaire de lui conserver un oeil. Livadaire resta
inflexible. Puis il fit aveugler Ă©galement ses complices, entre autres les deux
moines Tarchas et Melchisèdec, et il partagea les biens de ses victimes
entre ses soldats.
       On était alors aux environs de Noël 1296. Les premiers jours de jan-
vier, parvenaient à Byzance les courriers de Livadaire, annonçant la révolte
de Philanthropène. Ce fut la consternation, la colère, le désespoir, la pani-
que. Les basileis voyaient, avec terreur, Philanthropène, encore jeune, faire
fi de l'autorité impériale. Ils se croyaient déjà renversés et se préparaient,
peu s'en faut, à mettre leur vie en sûreté. Ils retrouvèrent, cependant, leur
sang-froid, et, après avoir accablé d'injures le frère aîné de Philanthropène,

   1. Pachym., H,, III, 11, — a, Id.