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36e DEUX MOIS EN ESPAGNE cheval et à pied (ceux-ci étaient six mille Hongrois), tout était de semblable magnificence; les jardins, bosquets de myrtes et de lauriers, se réfléchissaient dans des lacs où se jouaient les oiseaux les plus rares et des plus brillants plu- mages ; dans le centre, s'élevait le pavillon du khalife, lieu qu'il préférait au retour de ses chasses, et qui dominait tout le pays. Soutenu par des colonnes de marbre blanc ornées de chapiteaux d'or, il avait quelque chose de féerique par les pierres précieuses qui décoraient ses murs et ses parois ; mais ce qui charmait surtout les regards, c'était une coupe de porphyre, remplie de vif argent, et disposée de manière qu'il y coulait sans cesse (Cardonne, page 220). On ou- vrait de tous côtés ses portes d'ébène et d'ivoire, et quand le soleil l'éclairait, l'oeil ne pouvait supporter un éclat si vif, plus brillant que l'éclair, si bien que le pavillon sem- blait alors osciller, et faisait éprouver aux visiteurs le même roulis que celui que l'on ressent sur un vaisseau agité par la mer écumeuse. La sultane favorite, dont, au grand scandale des croyants,, (auxquels Mahomet défend les représentations humaines), on avait, sur l'édifice, élevé la statue colossale, ne fut cepen- dant pas satisfaite de cette construction étonnante. « Vous avez, dit-elle au khalife, mis une beauté dans les bras d'un nègre ? » Et elle désignait du doigt la montagne sombre qui dominait la merveilleuse résidence. « Nous allons Tappla- nir, » lui répondit son tout puissant seigneur. Cependant l'œuvre ayant été reconnue impossible, il se contenta de faire abattre la forêt qui obscurcissait la montagne, et la remplaça par des plantations d'amandiers, dont les fleurs roses donnaient une teinte amoureuse au paysage. Les auteurs arabes s'épuisent en explications sur l'im- mense fortune des Khalifes, pour affirmer la réalité de ces folles dépenses. Cordoue, suivant eux, comptait alors un