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DEUX MOIS EN ESPAGNE 359 On se demande cependant, après avoir vu ces magnifi- ques palais, si les Arabes étaient réellement de grands ar- chitectes ? Ils étaient surtout de très habiles et très patients ouvriers, vous guillochant et niellant un palais, de ses fon- dations jusqu'à son faîte, comme un orfèvre le fait d'un petit coffret destiné à une bague. Mais ils ne s'occupaient guère des grands effets que cherche cet art, et sous ce rap- port, leurs ennemis les Espagnols, qu'ils regardent comme des barbares, les ont laissés bien loin derrière eux, surtout dans les constructions de leur magnifique cathédrale. Au reste, si leurs Khalifes n'étaient pas précisément des archi- tectes, ils avaient bien d'autres talents, et les chroniques nous en ont laissé d'étranges peintures. Il y avait chez eux du saint, du savant, du chevalier, mais par-dessus tout cela du cannibale. Voyez plutôt ce lambeau de leur histoire : C'était vers le commencement du quinzième siècle, époque déjà de grande civilisation en Europe ; Mahomet VI régnait à Grenade où il avait supplanté son frère aîné, ce qui était assez reçu dans une ville où l'élection conférait parfois la souveraine puissance. Il revenait dans sa capitale d'une expédition contre le régent de Castille où il n'avait été ni. vainqueur ni vaincu ; cependant il revenait fort triste, car il était gravement malade, et sentait s'approcher une mort certaine. Il songeait donc à mettre en ordre ses affaires; il tenait à ne pas avoir pour successeur ce frère Jussef qu'il avait écarté du trône à la mort de son père, et enfermé, sans grande résistance de sa part, avec ses femmes, dans la for- teresse de Salabrena ; lui manquant, ne voudrait-il pas re- monter sur ce trône dont il l'avait fait descendre ? Il y avait quelques précautions politiques à prendre à son sujet ; il fit appeler Ben-Zuru, le chef de sa garde, et lui rerr' ce