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338           HISTOIRE DE L'ART MONUMENTAL

ligieuse, il gravite vers l'unité artistique. Il y a une erreur
qui s'est généralement répandue à notre époque, pour le
malheur de l'art : c'est que les religions ne sont que des
formes relatives d'une morale universelle, formes que doit
un jour secouer l'esprit humain ; comme l'étranger qui étu-
die d'abord péniblement une langue avec des règles et une
syntaxe, finit à la longue par s'incorporer le génie du lan-
gage, de telle sorte qu'il le parle dans toute sa pureté, sans
pour cela revenir péniblement sur des formules de gram-
maire qui n'ont eu d'autre but que de discipliner l'esprit de
l'écolier. Il y a une série d'esprits, dont je ne conteste pas
d'ailleurs le talent, pour qui la religion, sorte d'institutrice
des civilisations en lisières, doit finir par se voir remplacée
peu-à-peu par l'autorité philosophique, de telle sorte que le
genre humain tout entier arrivé à ce point d'avoir la con-
ception pure de la vérité, sans le secours des symboles reli-
gieux, la religion, alors, aura fini son temps, et pourra des-
cendre majestueusement dans le tombeau que lui prépare le
développement de la pensée individuelle.
   Eh bien ! je n'hésiste pas à le dire : du jour où cette déso-
lante doctrine aurait la foi de la masse des esprits, de ce jour
il faudrait briser compas, ciseaux, palettes. Impopulaire
comme elle l'est, c'est déjà une des causes qui ont étouffé
la puissance de notre époque et ont forcé les artistes à
emprunter au passé non seulement son esprit, mais sa forme.
La philosophie est essentiellement impuissante à créer une
forme artistique, parce que l'art plastique est impuissant à
reproduire une abstraction. Il faut que l'impression pro-
duite par la toile ou le marbre sur les sens du spectateur
rappelle celui-ci au fait représenté, et le fait à l'idée qu'il
 révèle. L'art ne peut exprimer une doctrine que sous l'en-
veloppe d'un fait. Il lui faut des symboles vivants, et un art,
fruit de la philosophie, put-il exister, ne pourrait jamais