Revue du Lyonnais » série 1 - n°24 ( 1846 ) » pp.337

            DANS L'ANTIQUITÉ KT AIT MOYEN-AGE.               33"

organisées sur d'autres bases que les nôtres. Outre qu'on vi-
vait au sein d'un foyer commun de traditions, qu'on n'était
pas obligé, comme aujourd'hui, d'avoir toutes espèces de
marchandise en magasin, et de donner du grec à qui veut du
grec, du romain à qui du romain, du gothique à qui du go-
thique, du rococo à qui du rococo et du chinois à qui du chi-
nois ; outre qu'il suffisait de chercher à perfectionner son art
dans les limites des traditions qui nous auraient nourri, l'unité
d'une croyance constituait l'unité d'un temps. Tous les monu-
ments d'une époque se rattachaient à un foyer commun, car,
qu'on ne s'y trompe pas, ce n'est pas un homme qui enfante
un style d'architecture, c'est une époque; et aujourd'hui un
architecte parvint-il à faire une œuvre véritablement origi-
nale, une Å“uvre qui ne serait pas un assemblage hybride de
motifs empruntés à tous les styles, ce ne serait jamais
qu'une œuvre individuelle, c'est-à-dire isolée, sans portée,
sans lien commun, sans influence véritable. Ce n'est pas un
homme qui, par un beau jour, s'est imaginé de bâtir une
cathédrale ogivale, non ; mais ce sont les traditions de (ont
un siècle, qui en se modifiant, se perfectionnant, chaque ar-
tiste apportant sa pierre à l'édifice commun, ont transformé
l'église romane du XII e siècle en cathédrale du XIII e . E n -
gendrer un symbole artistique, national ou universel, élever
un art qui soit le résumé fidèle d'un temps, et surtout un
art religieux, puisque l'homme est avant tout un animal re-
ligieux, c'est là le propre d'un corps régulier de doctrines,
formulé par un corps de faits, qu'on nomme culte; en d'au-
tres termes, c'est dans la religion, et la religion, prise dans
son sens le plus positif, qu'est déposé le germe de cette vie
artistique. Du reste, il est bon de ne pas l'oublier : la vie ar-
 tistique, comme la vie religieuse, est nécessaire aux nations.
Et voilà pourquoi de toutes parts le monde gravite vers
 l'unité religieuse et sociale, et en gravitant vers l'unité re~