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UX TABLEAU VU MUKILLO. 269 veur et du peintre; il ne se rend pas compte de la difficulté vaincue, et perd ainsi une jouissance qui n'est pas entière- ment à dédaigner, quoique souvent on en ait fait trop de cas. Mais lorsque ce plan me paraît si simple, ces contrastes si inté- ressants, ces figures si vivantes et si vraies ; lorsque j'entre ainsi et avec tant de bonheur dans les idées, dans les senti- ments qui animent ces personnages; lorsque chacun de leurs traits, de leurs gestes, chaque détail de leur physionomie et de leur pose a pour moi une signification si nette, et me révèle si clairement les mille mouvements de leur ame ; lorsque, au milieu de cette représentation exacte de la vie, en pré- sence du bien et du mal qui y éclatent aussi bien que dans le monde réel, mon cœur se sent saisi de tous les sentiments que la vue de l'homme peut faire naître dans l'homme, l'af- fection, la haine, la pilié, tout ce qui nous attire vers nos semblables ou nous en repousse : lorsqu'enfin, des yeux de l'esprit je vois planer sur cette toile quelque grande idée, qui, enlevant mon ame hors de cette terre, la transporte dans la région du divin ; alors, oui alors, monsieur, je le dé- clare sans crainte de me tromper, il y a là une belle œuvre; et quoique les artistes de profession puissent y trouvera blâmer, quelques critiques qu'ils puissent faire du dessin, ou du ton, ou de la couleur, je ferme l'oreille et je persiste à admirer. Murillo a dessiné moins bien que Raphaël ; cela est très possible : je laisse aux plus habiles à en décider. Je tiens môme pour chose très utile qu'ils étudient sérieusement celte question, pour la grande gloire de la vérité, et le plus grand en- seignement des peintres actuels. Mais celle infériorité sur un point ne doit point nous rendre insensibles aux sublimes beautés qui la compensent. Ou va loin quand on est une fois engagé dans cette voie de dénigrement par comparaison : et. dans quelque art que ce soil, si on juge les hommes par ce