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148 DE L'ILLUSTRATION TYPOGRAPHIQUE. niôre; grasses, si nous les aimons grasses ; frêles et minces, si nous les desirons svellcs ; brunes ou blondes, grandes ou pe- tites, si, si. Pourquoi vouloir emprisonner leurs formes dans le moule de votre goût, quand chacun de nous a le sien ? Puis, quel contre sens énorme n'occasionne pas la mala- dresse de l'artiste illustrateur, si, pour nous peindre un hé- ros, il nous le représente tout autre que nous nous le figu- rons, d'après ses actions ou la description qui nous en a été faite; s'il est habillé sans goût, et d'une manière qui nous offusque, s'il a l'air fanfaron, quand il devrait être doux et timide selon nous, s'il sourit, quand nous le supposions mé- lancolique ; enfin si, victime d'un défaut de tirage de la gra- vure, il se montre borgne, ou avec une prunelle blanche, quand l'auteur l'a doué de beaux yeux noirs. D'ailleurs, les modes changent si vite, qu'elles donneront h ces héros costumés comme nous le sommes, un air perru- que et rococo, avant qu'il se soit écoulé bien peu de temps ; pourquoi les lancer ainsi dans un avenir impertinent pour eux, qui se rira de la tournure grotesque à laquelle on les aura cloués, comme à un piloris. Ah ! du moins, que chaque époque puisse se les figurer coiffés et vêtus avec élégance, et qu'un ignoble paletot, jeté sur leur dos, necompromelle pas à tout jamais la civilisafion de notre siècle. Il est vrai que c'est sup- poser beaucoup, que de craindre pour les illustrations ac- tuelles le jugement de la postérité; mais ces scrupules, ho- norables pour elles, me paraissent fondés jusqu'à un cer- tain point, caries modes ont des ailes, et quelques jours suf- fisent pour déconsidérer la coupe d'un habit ou la forme d'un pantalon. Il y a longtemps que l'illustration a envahi toutes les bran- ches de la librairie, et qu'elle a fait irruption même dans le Prospectus, mais elle n'y avait figuré jusqu'ici qu'à l'étal