Sommaire :

    Un unicum de Jacques Moderne

    Père de l'édition musicale lyonnaise

    Misse familiares... par Jacques Moderne, Lyon, 1530, détail colophon (BM Lyon, Res FM B 512134) On connaît peu de choses sur le « Grand Jacques », ainsi que Jacques Moderne se surnommait lui-même. Il est né à la fin du XVe Siècle à Pinguente, en Istrie, dans l'actuelle Croatie. Les archives lyonnaises le mentionnent pour la première fois en 1523 et en 1561 pour la dernière. Il a publié une centaine de petites éditions populaires, souvent copiées sur des productions précédentes, et qui le rangeraient parmi les imprimeurs lyonnais médiocres.

    Ce qui constitue son titre de gloire ce sont ses éditions musicales, et à un double titre : c'est le plus grand producteur à Lyon, rivalisant avec Pierre Attaingnant à Paris et d'autre part, grâce à la collaboration éclairée du musicien Francesco Layolle, il a publié des oeuvres marquantes qui ont été recherchées dans tous le monde musical.

    L'extrême rareté, à quelques exceptions près, des impressions subsistantes de Jacques Moderne justifie l'établissement d'une première liste (d'autres restent peut-être à découvrir dans les fonds) de celles qui se trouvent à la Bibliothèque municipale de Lyon. Une bibliographie toute récente [note]

    Gütlingen (Sybille von). - Bibliographie des livres imprimés à Lyon au seizième siècle : Tome VI., Baden - Baden & Bouxwiller : Editions Valentin Koerner, 1999. (Bibliotheca bibliographica Aureliana CLXXVII. Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au seizième siècle. Fascicule hors série).

    Sur Moderne imprimeur l'ouvrage à consulter est celui de POGUE (Samuel F.). - Jacques Moderne Lyons Music Printer of the Sixteenth Century. - Genève : Droz, 1969.

    Sur les impressions musicales de Moderne il faut se référer à GUILLO (Laurent). - Les Editions musicales de la Renaissance lyonnaise. - Paris : Klincksieck, 1991.

    Lire également : DOBBINS (Frank). - Music in Renaissance Lyons. Oxford : Clarendon Press, 1992.

    permet de mieux en apprécier l'intérêt.

    Le nombre d'éditions de Moderne à Lyon s'établit à 16, à comparer avec les 150 numéros répertoriés par Mme von Gültlingen, 154 en comptant quatre éditions inconnues jusqu'ici. La proportion peut monter à presque 16 sur 100 si on exclut les 51 « impressions sans date et sans adresse, attribuées à Jacques Moderne » dont aucune ne figure à Lyon.

    L'importance du fonds, malgré sa faiblesse numérique, ressort pourtant avec éclat si l'on remarque que sur ses 16 exemplaires 13 sont des exemplaires actuellement uniques au monde ou « unica », dont quatre semble-t-il complètement inconnus des bibliographes.

    A titre de comparaison, sur les 100 impressions signées, la Bibliothèque nationale de France compte 9 unica, plus 29 parmi les attributions. Vient ensuite Munich avec 4, la British Library avec 4, Séville avec 2 plus 4 attribuées, Madrid, Sion, Chantilly, la Mazarine, chacune avec 2, et une à Porrentruy, Aix-en-Provence, Lünebourg, Bologne, Lérida, Rome, Harvard.

    Pour une partie importante, la bibliographie de Moderne consiste donc en une liste d'unica sans compter les éditions signalées et non retrouvées.

    Reprenons la liste des exemplaires lyonnais en suivant le catalogue de Mme von Gültlingen :

  • 1) Secreta mulierum, 1526, attribués à Albert le Grand (Rés. 809345) Exemplaire unique, relié avec les Secreta secretorum Aristotelis, Lyon : Antoine Blanchard pour Louis Martin, 23 mars 1528. Cet ouvrage, sans indication de lieu et de libraire, a été attribué à Moderne. Les deux pièces sont contenues dans une reliure du XVIe siècle en veau brun, estampé à froid à décor de filets, roulettes à motifs végétaux, fleurons, avec deux fermoirs.
  • [1 bis] CAESAR (Caius Julius). - [Commentariorum de Bello Gallico Liber Primus... Colophon : Lugduni, in aedibus Iacobi Moderni de Pinguento. Anno M.D XXVII. Mense Augusti. - ]

    Unicum apparement inconnu des bibliographes, important puisque constituant la deuxième édition datée de Moderne et la toute première à présenter son nom et une date [note]Laroche (Jean-Paul). - Imprimeurs et libraires lyonnais, XVe-XVIe siècles. - Lyon : Michel Chomarat, 1997, p.75 (Bibliothèque municipale de Lyon. Fonds Michel Chomarat)..

  • [7 bis] Misse familiares. Continet hic libellus ea que sequuntur. Missam de beata virgine Maria. Missam pro defunctis. Missam de sancto Nicolao. Missam de sancto spiritu kyrie eleison. Gloria in excelsis deo. Sanctus. Agnus & Ite missa est que cantatur singulis festis totius anni. Symbolum patrum. Salue regina. Ave maria. - (Finis missarum Familiarium que excute sunt Lugduni apud Jacobum Modernum de Pingueto Anno a christo nato trigesimo supra sesquimillesimum.- ) 8°, 172 mm, car. goth., impr. en r. et n., 28 ff n. ch. sign. A-G4 marque (Pogue 5) au titre dans encadr. gr. s. b. de J. Giunta (Baudrier VI 121), neumes, empr. ; isR itu - s.te te Lo C 1530 T (Impression musicale d'après le procédé de Petrucci. - Ex. rogné ; corrections musicales mss f. A4 r°. - Demi. rel. mar.r. XIXe ; au v° bl. du dernier f. note ms a/s Martin Copperay, 12 déc. 1589).

    Unicum inconnu jusqu'ici, acquis auprès de la librairie Jean-Paul Veyssière. Jusqu'à nouvelle découverte, cet exemplaire, qui vient d'entrer aux collections de la Bibliothèque, représente donc le plus ancien témoignage d'impression musicale de Moderne - en neumes, il est vrai, et non en notes - que M. Laurent Guillo, p. 46, ne fait remonter qu'à 1532.

  • [7 ter] Erasmus (Desiderius). - Modus orandi per Desi. Erasmum Roterodamum. Opus nunc primum & natum & excusum typis. - [colophon :] Lugduni in aedibus Iacobi Moderni de Pinguento, s.d. [c. 1530 ?]. - In- 8°, 134 mm, caractères italiques, 40 ff n. ch., marque typ. (Pogue 5) au titre, empreinte ; r-e- asit net ? Orde 3 1530 Q.

    Exemplaire non décrit, comportant des mots en grec. Relié avec le 7 quater, DONATUS. - Grammaticae methodus...s.l. s.n. [Lyon : Laurent Hyllaire ?], 1532 ; Erasmus. - Jo Frobenius lectoribus S.D. Habetis hic d. erasmi roterodami parabolas... Lyon : B. Chaussard, [c. 1522]. Reliure de parchemin XVIIe, ex-libris manuscrit « Stephani Rous ».

  • [7 quater] ERASMUS (Desiderius).- De Libero arbitrio DIATPIBH, sive collatio, Desiderii Erasmi Rotherodami. Primum legito, deinde indicato. [Carmina Thomae Dydimi Aucuparii]. - S.l. : s.n., s.d.- in 16, 132 mm, caractères italiques, 40 ff n.ch., signés A-E8, titre avec fleur de lis dans encadrement gravé sur bois, empreintes ; i.s. o-um umn- grte c 1530Q (Rés 805416).

    Exemplaire non décrit ? Nous l'attribuons sans certitude à Moderne parce qu'il est relié avec le numéro précédent, que les caractères typographiques semblent les mêmes, et que le bas de l'encadrement du titre est analogue à celui reproduit dans Pogue p. 217.

  • 12 : MARCILLETI (Stefano). - Ars notariatus, 1531. (Rés B510109). Exemplaire unique. Reliure de parchemin du XVIe siècle.
  • 16 : Liber decem nissarum, 1532. (Rés F.M. 31633). L'un des trois exemplaires connus, provenant de la vente de la bibliothèque de la comtesse de Chambure (5 avril 1995, n°345). D'après Guillo, pp.47-48, Bernard Garnier a travaillé à l'impression. Le haut de la page de titre manque. Demi-reliure de parchemin du XVIIIe siècle ; ex-libris moderne : de sinople à 3 oiseaux de...
  • 24 : Le Grand Albert des secretz des vertus des herbes : pierres : & bestes...[c. 1534-1538]. (Rés 811497).

    Exemplaire unique. Signature illisible à la fin.

  • 27 : GERMAIN (Jean). - Historia breuissima Caroli quinti Imperatoris a Prouincialibus Paysanis triumphanter fugati et desbifati..., 1536. (Rés B509801).

    Exemplaire unique. Feuillet A3v°, le titre est daté 1537. Reliure de Devauchelle en maroquin vert foncé décoré à froid et à chaud.

  • 65 : ALCIATI (Andrea). - Andreae Alciati Emblematum libellus. 1544 (810955).

    Demi-reliure restaurée de parchemin XVIIe, ex-libris [italiens ?] du XVIIe siècle peu lisibles ; cachet : une main sur une croix dont les branches sont prolongées par une lettre ; E, F, F [ ?] et une flèche.

  • 66 : ALCIATI (Andrea). - Les Emblèmes..., 1544. (Rés 800 038).

    L'un des trois exemplaires répertoriés. Les pages 18-19, 22-23, 26-27, 30-31, 210, 224 ne sont pas chiffrées ; la page 211 est chiffrée 11, la page 214 114, la page 212 246, la page 244 44. Reliure de parchemin souple du XVIe siècle, ex-libris manuscrit du XVIIe du collège jésuite de la Sainte-Trinité de Lyon.

  • 70 : La Victoyre des Francoys contre les Espaignolz..., 1544. (Rés 316 486).

    Seul exemplaire connu, relié dans le recueil d'occasionnels (Rés 316 483- 316 542).

  • 81 : SEVE (Jean). - Epilogue de celeste supplication... [c.1547]. (Rés 805 192).

    Exemplaire unique, appartenant au fonds Coste. Reliure de veau clair de Koehler.
  • 95 : L'Art, science et practique de Plaine Musique... [c.1557]. (Rés B485 064).

    Exemplaire unique, appartenant au fonds Coste. Relié avec des Heures à l'usage de Lyon, Paris : pour Jean Petit, [c.1503], et les nos 96 et 97. Reliure à la cathédrale de Simier, en maroquin havane à grains longs, avec filets dorés.

  • 96 : Misse familiares...[c.1557]. (Rés B485 066).

    Exemplaire unique, relié avec le n° 95.

  • 97 : Misse solennes..., 1557. (Rés B485065).

    Exemplaire unique, relié avec le n° 95.

  • Liber Decem missarum par Jacques Moderne, Lyon, 1532, détail (BM Lyon, Rés FM 31633) Si l'on procède à un ultime comptage, les éditions musicales, qui constituent le titre de gloire de Moderne, se trouvent à Lyon au nombre de six sur seize, chiffre faible, mais documentation inestimable. Elle comprend en effet le premier exemple d'impression musicale de Moderne, unicum inconnu jusqu'alors, un des trois exemplaires du Liber decem missarum et trois unica : un ouvrage sur le plain-chant et deux recueils de messes.

    Sans témoigner d'une aussi grande importance les autres volumes, presque tous également des unica, contribuent à une meilleure connaissance de l'atelier Moderne.

    Encore une fois le fonds lyonnais comporte peu de volumes mais il est indispensable pour la connaissance de Moderne certes, mais aussi pour l'histoire de la musique à Lyon. Remarquons particulièrement que les deux éditions datées les plus anciennes se trouvent à Lyon en exemplaires uniques. La constatation de Pogue que seulement cinq éditions de Moderne se trouvent à la bibliothèque municipale de Lyon n'est donc plus exacte, ce qui prouve combien cet établissement prend à coeur l'enrichissement de son fonds d'éditions lyonnaises.