Guignol journaliste
Trois petits tours et puis sen va
Prêtres et royalistes à lassaut de la République !
Une du Guignol de Lyon illustré, le 15 octobre 1882 (BM Lyon, 5394)
Aujourdhui, chez les marchands de journaux, nous ne trouvons plus le délicieux Guignol [note]Guignol, journal hebdomadaire et humoristique, Lyon, 1914-1972 (BM Lyon, 950 633).. Certains dentre nous se souviennent, très certainement, de cet hebdomadaire avec lequel nous avions rendez-vous. Chaque jeudi, nous lattendions ! Il était porteur dinformations locales et nationales, commentées par notre emblématique Guignol. Nous pouvions savourer, dans ces textes, notre parler lyonnais. Une expression populaire revenait fréquemment, dès lors que nous assistions à un fait divers exceptionnel et original :
Ça serait à publier dans Guignol !
Nous lui donnions le pouvoir dexprimer au grand public le cancan de limmeuble ou du quartier. Mais depuis quand existait-il, ce journal de Guignol ? Eh bien, cest ce que nous allons tenter de vous faire découvrir. Pour cela, nous avons consulté les archives, en particulier celles de la Bibliothèque municipale de Lyon. En feuilletant inlassablement les journaux, nous avons parcouru plus dun siècle.
En effet, le premier Journal de Guignol [note]Journal de Guignol, Lyon, 1865-1866 (BM Lyon 5517) est édité le dimanche 30 avril 1865. Il est imprimé chez le sieur Labaume [note]Lui-même fils de libraire, Jacques-Eugène Barbier-Labaume était libraire au n° 16 de la rue Mercière, successeur de Mme Matheron depuis 1843, jusquen 1852. Ayant eu un brevet dimprimeur délivré par lautorité en mai 1852, il ouvrit une imprimerie au n° 50 de la nouvelle rue Monsieur (aujourdhui rue Molière), dans le quartier des Brotteaux. Il fonda également un almanach fameux, qui parut de 1860 à 1882. A lorigine du Journal de Guignol, lon trouve également le jeune journaliste Jules Coste, qui épouse la fille de Labaume, devient Jules Coste-Labaume (1840-1910), lance dautres périodiques lyonnais, est lauteur dune pochade en trois actes intitulée Guignol député (1883), participe à la création de lAcadémie du Gourguillon, est élu conseiller municipal de Lyon, conseiller général et finalement président du Conseil général du Rhône., au n° 5 du cours Lafayette et son directeur-gérant est un certain sieur Barrillot, journaliste de son état, dorigine lyonnaise, mais installé à Paris. Ses dimensions sont respectables : 40 cm x 30 cm, et son titre évocateur : il se veut Drolatique, satirique, amphigourique, à la portée de toutes les intelligences et ouvert à toutes les triques emplumées. Paraissant quand bon lui semble, lorsquil le pourra. Guignol se réserve daller de lavant quand il aura assuré ses arrières. Il est hebdomadaire, paraît tous les dimanches et coûte 10 centimes. En avant-propos, il est stipulé : Pour faire ses armes dans larène de Guignol, point nest besoin dêtre académicien et lorthographe nest pas de rigueur. Il faut des idées, du neuf, des balançoires, des coups de bâton ou de bec, mais sans scandale ! Voilà pour le programme.
Faire part du décès de Guignol encart placé en dernière page dans le dernier numéro du Journal de Guignol, 2 décembre 1865 (BM Lyon, 5517) Mais, comment est créé ce premier Journal de Guignol ? Barrillot, qui avait participé à différentes publications comme le Polichinelle en 1857, Le Triboulet en 1861, avant le lancement du Journal de Guignol, nous apporte lexplication suivante dans la langue typique de la marionnette lyonnaise [note]Nous respecterons, tout au long de cet article, le vocabulaire et les expressions propres aux personnages créés, il a deux siècles, par Laurent Mourguet. :
Dans ces divers écrits, gnavait un griffardin de rédacteur que signait indistinctement : Faunus, Grenilo, Gambille, Polichinelle, Triboulet ou Barrillot Cest à ce moment que jallais décaniller du castelet, car mon incarnation [sic] était résolue et mon journal nattendait, pour entrer en campagne, que le copiement solide de mes cousins Cogne-Mou, Claque-Posse et Caque-Nano, que deviont avoir pour sargent mon pylate Gnafron et le cordon bleu, la colombe Madelon. Mais, avant de faire opérer à mon âme de marionnette un saut de carpe de ctte force, une transmigration aussi grandiose que celle-là, mon ppa en polémique a voulu essayer, en 1863, mes dispositions pour le détrancanage de gandoises et le trafusement de gognandises dans la Mort du Diable. Lépreuve ayant réussi à sa grande contentation, mon procréateur, par un aque de volonté, marrapa mon salsifis comme par la manette dune cruche à malices, et y mincarna, tavelle en main, dans la peau que vous voyez su mes épaules. Enfin jétais journaliseur !... et jallais devenir une institution. Or donc, voici comment et par qui fut fondé le Journal de Guignol.
Une plume qui égratigne
A la Une, nous trouvons, chaque fois, un billet intitulé Aux gones de Lyon signé Guignol et un feuilleton écrit par Claque-Posse. A lintérieur, se trouve Guignol en colère, revue satirique en vers. Plus loin, Les bugnes à léperons sont un cuchon de gognandises [note]Bêtises, plaisanteries qui peuvent aller jusquà la grivoiserie.. Suit un aperçu des spectacles donnés dans les théâtres lyonnais. Les signatures sont celles de Pancrasse Fouinard, Arthur Casque à Mèche, Jérôme du Grollon... Toutefois, nous regrettons de ne pas pouvoir lire des articles sur les théâtres Guignol de lépoque. Ils auraient été, à eux seuls, une mine de renseignements. Pourtant, dans le numéro Un, Guignol annonçait quil donnerait une silhouette de ces divers établissements En 1865, il nous signale toutefois que depuis quelque temps, les castelets se sont multipliés dans notre ville. La rue Port-du-Temple en compte deux, à elle seule, qui vivent côte à côte. Ce sont, pour la plupart, des cafés-spectacles. De temps en temps, surgit une rubrique Pensées dun canut comme :
Les remords sont les bardanes [note]Les punaises de la conscience !. Lauteur nest autre que Pensiculator.
Ce journal remporte un vif succès. Les numéros 1 et 2 seront réédités en juillet 1865 et vendus 25 centimes ! Puis, en mai 1866, le numéro 3 est réclamé par les collectionneurs : il sera mis en vente au même prix que les deux précédents. Le quinzième sera vendu au profit des ouvriers sans travail. Guignol sait bien ce quil fait et son tirage sélèvera, daprès lui, à 10 500 exemplaires et pas un ne restera. Car sa tavelle [note]Bille dont les voituriers se servent pour serrer leurs chargements. Par extension, trique. entend annoncer la vérité et, bien souvent, elle égratigne. Un peu trop au goût de certains et on lui reproche que les articles soient anonymes.
Les critiques saccumulant, le journal est plusieurs fois condamné. Les gérants se succèdent. Après Barrillot, cest le tour de Jacques-Eugène Barbier-Labaume jusquà son emprisonnement. Enfin Eugène Thomain, jusquau 83e et dernier numéro. Ainsi, le Journal de Guignol aura vécu 17 mois, dune existence frappée par quatre procès, 6 175 francs damendes et 16 mois et 8 jours de prison. Le chiffre total des ventes du journal, sélève, toujours daprès léditeur, à 1 245 000 exemplaires ! Soit une moyenne de 15 000 exemplaires par numéro. Le numéro Un fut annoncé comme tiré à 2 000 exemplaires, le plus fort tirage étant de 35 000 exemplaires. Dès ce premier numéro, la marche ascendante du tirage est constante jusquau dixième. En effet, à cette époque, la vente aux petits marchands de journaux, qui était jusqualors tolérée sur la voie publique, est interdite et les tirages baissent subitement de plus dun tiers. Quelques-uns de ces numéros ont connu des prix fabuleux, puisque atteignant 50 francs !
Cest moi Gnafron ! Jarrive en second, mais jarrive
Laffrontement entre cléricaux et Républicains à la Une de Chignol et Gnafron
, le 3 février 1878 (BM Lyon, 5474).
A la suite du premier procès intenté contre MM. Jacques Labaume et Stanislas Charnal, ce dernier, qui nest autre que Caque-Nano, quitte le Journal de Guignol et crée le Journal de Gnafron [note]Le Journal de Gnafron, cousin de Guignol : organe de la décentralisation littéraire et artistique, Lyon, juillet-novembre 1865 (BM Lyon 5580).. Celui-ci voit le jour le dimanche 23 juillet 1865 et coûte, comme son confrère, 10 centimes. Il se dit : « Organe de la décentralisation littéraire et artistique. » Ses bureaux se situent 11, cours de Brosses (actuel cours Gambetta). Dans le premier numéro, Gnafron se présente aux gones :
Cest moi Gnafron ! Jarrive en second, mais jarrive. Me voilà, incarné dans un corps de journaliste. Ne suis-je pas de bois dont on les fabrique ? Et nest-ce pas aux marionnettes à devenir hommes, lorsque tant dhommes se font marionnettes ? Tout se métamorphose, parbleu ! La vie nest quune continuelle transformation, et le bois devient feu.
Le Journal de Gnafron disparaît cependant dès le 12 novembre 1865, lors de lédition du 17e numéro. A son tour, le Journal de Guignol, cesse de paraître le 2 décembre 1866. Les abonnés sont remboursés à bureau ouvert et le silence se fait. Quelques mois sécoulent, puis, un nouveau journal est imprimé : La Marionnette [note]La Marionnette, journal satirique, Lyon, mai 1867-décembre 1868 (BM Lyon 5518). Limprimeur nest autre quEugène Labaume. Toujours lui !
Encore un journal ?
, lui disent des amis, en apprenant la parution de La Marionnette après les ennuis du premier titre.
Mais cest de la folie
, lui susurrent dautres interlocuteurs. Eugène Labaume se contente de leur répondre :
Il est certain que la publication dun journal a des côtés désagréables que, mieux que personne, jai été à même dapprécier ; mais en vérité, malgré mon désir de les éviter, je ne saurai devenir marchand de cure-dents humanitaires ou fabricant de citernes hygiéniques. Je suis imprimeur et je le reste, hélas ! Je lance donc La Marionnette.
Lorsque Guignol devient métaphorique La défaite française lors de la guerre de 1870 contre la Prusse Une du Guignol illustré, journal patriotique, le 25 décembre 1870 (BM Lyon, 5392) Le dimanche 26 mai 1867, le premier numéro se vend deux sous, comme ses aînés. Ce journal dit « satirique » affiche à la Une ses opinions :
La Marionnette deviendra politique aussitôt que la législation le permettra !Mais, sans attendre lautorisation, il y a tentative, et un procès est intenté contre limprimeur par le Ministère public.
En tout cas, à lintérieur rien de bien transcendant, pouvant servir à lhistoire lyonnaise et, dans tous les cas, toujours rien sur les théâtres de Guignol. Quel dommage ! Les descriptions sur ces cafés-théâtres auraient été si pittoresques et sources de riches témoignages. En feuilletant, surgissent à nos yeux quelques gognandises ou rêveries dun canut sans ouvrage, telles Une femme qui na pas plus de dents a cela de commun avec les chevaux de bois, cest quelle court toujours au râtelier ! Ou bien : Autrefois la vie était à bon marché et nos grands-mères filaient, aujourdhui tout est cher et cest largent qui file !
Ce journal a ses adeptes, le n° 5 est tiré, sinon vendu, à 9 000 exemplaires ! Malgré tout, il disparaît au 81e numéro, qui sort des presses le dimanche 6 décembre 1868. Un sursis permet la parution, 8 jours plus tard seulement, le 13 décembre, dun ultime numéro rebaptisé : La Marionnette, journal satirique et politique. Vendu au prix de 15 centimes, il restera sans suite Courant 1867, nous relevons, tout de même, une information annonçant lédition dun Almanach de Guignol. Ce sera le premier dune longue série et il servira, peut-être, à une prochaine étude.
Le choc de limage
Le 14 août 1870 voit la naissance dun nouveau journal au titre prometteur : Guignol illustré [note]Guignol illustré, journal patriotique [puis] hebdomadaire, Lyon, août 1870-décembre 1871 (BM Lyon, 5392). Ce journal, dit « patriotique », paraît le samedi. La rédaction se situe 32, rue Impériale (actuelle rue de la République) ; ladministration et limprimerie chez Tournier, 2, montée de lAnnonciade.
Pour rester dans le ton de la période 1870-1871, en plein conflit, le rédacteur en chef est baptisé : « Légion » ! Le propriétaire-gérant se nomme Léon Bigot. Qui est-il ? Né à Courcemont, près du Mans, il vit à Paris. En 1867, il publie, à loccasion de lExposition universelle qui se tient dans la capitale, un recueil intitulé : Paris-Guide. On y trouve des articles historiques et descriptifs de la capitale, écrits par divers hommes de lettres. Il vient donc chez nous avec la pensée de réaliser une entreprise similaire, pour lExposition lyonnaise qui doit se tenir en 1871 [note] Retardée par la Guerre de 1870, elle se tiendra, en fait, en 1872, sur le site du Parc de la Tête-dOr.
Le souvenir des guerres du Second Empire à la Une du Journal de Madelon, 20 août 1876 (BM Lyon, 5407) Afin de mener à bien son projet, il cherche un éditeur et, bien sûr, désire impérativement obtenir lassentiment décrivains lyonnais et leur collaboration à la réalisation dun Lyon-Guide. Infatigable et doté dune réelle énergie, Léon Bigot a bientôt tout préparé. Malheureusement, la guerre éclate et tout est remis en question. A la fin de 1870, son futur éditeur fait paraître des caricatures de circonstance, où figure notre marionnette légendaire. Léon Bigot fait remarquer : On pourrait adjoindre un texte à une suite de caricatures de ce genre, de manière à en faire une feuille populaire et patriotique. Cest une tâche assez lourde et vu le peu de succès et les déboires des précédents journaux fondés, elle nest désirée par personne. Mais à toutes les objections, Léon Bigot trouve toujours une réponse. Il fait preuve de patience et arrive à convaincre quelques amis.
Devant cet homme, entreprenant et intelligent, ceux-ci cèdent et créent : Guignol illustré. Le numéro Un, daté du 14 août 1870, est vendu 10 centimes. On peut lire dans ce journal une multitude darticles comme Lhistoire du drapeau national depuis 1789, avec dessins à lappui, La défense de Lyon, ou bien encore Le meurtre du Commandant Arnaud, Le théâtre des Célestins, Pierre Dupont, Jean-Baptiste Carrand Mais, Léon Bigot est gravement malade et décède le 2 février 1871. Un certain Davèze lui succède.
Le prix de vente augmente alors de 5 centimes, puis Guignol illustré disparaît, sans doute fin 1871-début 1872. En effet, à la Bibliothèque municipale, la collection sarrête au numéro 68 daté du 3 décembre 1871. Mais, entre Rhône et Saône, il y a des gones tenaces :Méfie-toi des gones que savent rien de rien, y sont capables de tout ! dit la Plaisante Sagesse Lyonnaise rassemblée par Catherin Bugnard, alias Justin Godart ! Fin septembre 1872, le 28 exactement, est édité un nouveau Journal de Guignol. Le responsable se nomme Mounard, la rédaction et ladministration sont situées 12, rue de la Barre. Six mois plus tard, Pierre Déchant en devient le gérant. Ce Journal de Guignol se vend jusquau 15 mars 1873. Soit six mois à peine !
En septembre 1870, existe un nouveau journal baptisé Gnafron [note]Gnafron, journal de la Révolution, Lyon, 1869- (BM Lyon, 5474), qui se veut le journal de la Révolution et semble être né lannée précédente. Le gérant en est encore Stanislas Charnal. Le peu de numéros en notre possession quatre à la Bibliothèque municipale, en tout et pour tout ne peut révéler sa durée de vie.
Victor Hugo, lecteur de Guignol
Sentiments patriotiques et anti-allemands à la Une du Guignol, journal hebdomadaire humoristique, le 10 octobre 1914 (BM Lyon, 950633) Les mois passent, les journaux aussi et même rapidement. Il est proposé à la vente, le 17 avril 1875, le numéro Un dun nouveau Guignol illustré. La rédaction est à Vienne ; le tirage se termine le 30 mai 1875. Son contenu est intéressant, il traite notamment de lhistoire de Lyon. Puis voici le Journal de Guignol illustré [note]Journal de Guignol illustré, Lyon, février 1876-1878 (BM Lyon, 5393), il est créé le 19 février 1876. Dabord imprimé à Grenoble, 8, rue Servan, il faut attendre le numéro 10 pour quil le soit à Lyon où il changera six fois dadresse. Le n° 11, du 29 avril 1876, obtient une vente totale annoncée de 20 137 exemplaires et se vend au profit de la délégation douvriers lyonnais à lExposition de Philadelphie. Le 3 juin de la même année paraît dans ses colonnes un poème en hommage à Victor Hugo, signé Cadet. Notre poète, très touché, écrit le 7 juin :
Les beaux vers que mapporte Guignol avec son spirituel rire populaire, sont les bienvenus, et je vous remercie avec effusion, mon cher et cordial confrère. Votre ami Victor Hugo. Le fac-similé de la lettre est publié pour la plus grande joie des lecteurs.
Lexistence de ce journal est plus heureuse, car nous le feuilletons encore dans sa troisième année dexistence, avant sa disparition, au début de lannée 1878. Signalons la parution le 16 juillet 1876 du Journal de Madelon [note]Journal de Madelon, Lyon, juillet 1876- (BM Lyon, 5407). La compagne de Guignol est représentée à la Une, tenant un batillon [note]Battoir des lavandières servant à battre le linge dans la main droite et de lautre, une navette. Léditorial sintitule : 1ère lessive, 2e lessive , signé : Jean-Baptiste Guignol, maître tafetâquier et présentement patron de platte. La durée de vie de ce périodique sera de quelques mois seulement.
Faisant suite au Journal de Guignol illustré, le 8 février 1878, est imprimé le premier numéro du journal Chignol et Gnafron [note]Chignol et Gnafron, journal des gones de Lyon politique, hebdomadaire et illustré. Il est réalisé à limprimerie Chanoine, éditrice du Progrès de Lyon, Lyon, février 1878-février 1881 (BM Lyon, 5474). Le gérant est Jean-François Theule et les bureaux sont situés au 71, rue de lHôtel-de-Ville (aujourdhui rue Edouard-Herriot). Vendu 15 centimes, sa parution est abandonnée le 19 février 1881. Un an après, le 25 février 1882, LAncien Guignol [note]LAncien Guignol, journal politique, satirique, hebdomadaire et illustré, Lyon, février 1882-juin 1885 (BM Lyon, 5391) suit, domicilié 2, rue du Palais de Justice. Pas pour longtemps : sa parution sachève le 27 juin 1885.
Pendant ce temps, le jeudi 14 septembre 1882, est mis en vente, pour 15 centimes Le Guignol de Lyon ; ladministration de ce nouveau journal est installée passage de lArgue. Il se veut : Républicain, hebdomadaire, peu littéraire, très satirique et toujours de bonne humeur ! Malheureusement, il séteint au bout de 6 numéros. Quelques semaines plus tard, le 31 décembre 1882, paraît Le Guignol journal humoristique universel, la vérité sur tout, la justice pour tous. Nous le devons à limprimerie Pastel, 10, Petite Rue de Cuire alors que les bureaux se trouvent 1, quai de la Charité (actuel quai Gailleton).
Dans ce journal, nous relevons une nouvelle lettre de Victor Hugo ainsi rédigée : Vous êtes une pléïade, je vous salue ! Les rois avaient Triboulet. Les Lyonnais ont Guignol. Triboulet amusait et maudissait. Guignol amuse et fustige. Jentrevois laurore du jour, où, grâce aux malédictions de lun et aux coups de trique de lautre, la République rayonnera sans ombre sur la Monarchie oubliée au fond de son tombeau. Fraternité. Victor Hugo. Et Guignol de répondre : Est-ce tapé les gones ? En vlà un frangin que ne sembarlificote pas en écrivant. Nom dun rat ! Si je savions jabotter comme lui, je serais bientôt parmier ministre, et, alors gnaurait du fricot pour tous les canuts. Mais ce journal sera tout aussi éphémère que les autres, puisque sa disparition intervient le 4 mars de lannée suivante.
Le Journal de Guignol illustré reparaît le 16 mars 1882. La rédaction se trouve désormais au n° 2 de la rue de Bonnel et limprimerie au n° 6 du quai de la Guillotière (actuel quai Victor-Augagneur) chez un certain Godard. Mais, à sont tour, dès le sixième numéro, il se volatilise. Puis, il resurgit, le 2 avril 1887. A la Une, figure un claironnant : Le revoilà !... Ben, oui, core une fois, les frangins, cest Guignol, le vieux Guignol de soixante cinque et de septante six que se ramène pour vous faire rire les braves gensses, sentend et faire peter le coquelichon aux pillandrins, aux grippe-yards et à tous les gones mouvants que vous délavorent. Aussi, quy tordent le pif, faut voir ! Il est domicilié au n° 14, rue Bellecordière ; MM. Donot, Patinaud, Poncet sont successivement directeur-gérant, jusquà la dernière parution du 22 janvier 1888. Et puis, les Lyonnais peuvent se le procurer à nouveau, au prix de 10 centimes, le dimanche 25 janvier 1891. Cette fois, la rédaction est sise 20, rue Cavenne et monsieur Charles Lesbos en est limprimeur-gérant, suivi par Jules Héritier de Vries. En titre nous lisons :Le Journal de Guignol est le seul journal de Lyon qui soit réellement indépendant, nétant sous la dénomination daucune coterie, ni aucun parti. Cest le cingleur [sic] de Monsieur Tout le Monde
Guignol avec les poilus
La libération de Lyon vue par le Guignol, journal hebdomadaire humoristique, septembre 1944 (BM Lyon, 950633) Chaque année, au mois de janvier, une nouvelle série de ce énième Journal de Guignol recommence, sous un nouveau numéro Un. Puis, les années se succèdent, 1894, 1897, 1898. Cette année-là, la vente en gros se fait chez Madame Veuve Melin, rue des Quatre-Chapeaux. A lintérieur du journal existe une nouvelle rubrique, celle des « Spectacles de Lyon ». Nous nous permettons den livrer quelques-uns : La photographie animée par le cinématographe Lumière, 1 rue de la République, près du Grand Théâtre. Liste des vues : le Caire, le Lancement dun bateau, un Repas de famille au Japon, une Partie de cartes interrompue, etc. Prix dentrée 0,50 francs.
Théâtre Guignol du passage de lArgue : Monsieur Sans-Gêne, parodie en trois actes de Tardy, « Au Guignol du Gymnase, 30 quai Saint-Antoine, tous les soirs : Guignol à la cour de Russie, pièce nouvelle à grand spectacle et 7 tableaux. » Enfin, à lEldorado : « Pêcheurs de Tarente, ballet nouveau » ; à létude : « A Lyon zy Gaiement, grande revue locale ». Grâce aux documents de la Bibliothèque municipale, nous avons pu le consulter jusquen 1902.
Durant une dizaine dannées, nous navons rien trouvé dintéressant. Cest seulement le jeudi 4 avril 1912 quapparaît sur la scène journalistique le Guignol illustré lyonnais parisien. Voici lavertissement donné au lecteur :
Lyonnais, Parisiens, une grande nouvelle !... Le Journal de Guignol reparaît. Lancien Guignol, celui qui fit tressaillir pendant plus de vingt ans tout Lyon, tout Paris et la France entière, lami de Victor Hugo, nous revient avec sa fidèle rédaction danciens magistrats, avocats, députés, sénateurs, ministres, etc.Dans le numéro du 18 avril, est annoncée linauguration du monument Laurent Mourguet, avec photo à lappui, et un article sur Guignol, de Paul Sicoti de lAcadémie du Gourguillon, Lyonnais de Paris, président du Caveau lyonnais de Paris ! En avant-première nous lisons : Zenfants ! cest place du Doyenné que le mami Mourguet va dresser sa tente, cest là quil va vivre immortel et immortaliser la place du Doyenné. Aussi Guignol et tous les gones bien pensants demandent aux nouveaux conseillers municipaux qui vont venir, de donner à la place du Doyenné le nom de Mourguet.
Rappelons en cette année 2008, année du bicentenaire de Guignol, que linauguration de ce monument se déroula le dimanche 21 avril 1912. Enfin, le samedi 10 octobre 1914, est mis en vente le numéro Un du célèbre Guignol [note]Guignol, journal hebdomadaire humoristique, Lyon, Editions de Guignol, 1914-1972 (BM Lyon, 950633) , journal hebdomadaire humoristique, encore dans bien des mémoires. Il coûte 10 centimes, son administration et sa rédaction sont abritées rue de la Quarantaine au n° 21. Son fondateur, Victor Lorge (1862-1920) [note]Responsable des Editions de Guignol, Lorge publie également Le Mémorial de la rue Sainte-Hélène dHenri Béraud (1919) et Le Roman dun vieux Grôléen de Georges Champeaux (1919), apporte dans ces feuillets lyonnais, un humour fin et subtil ; ce journal reflète bien lesprit lyonnais et, à nen pas douter, il est et sera le meilleur. Dès sa sortie, le lecteur prend connaissance de ce nouveau journal en ces termes : En faisant paraître notre journal, nous devons une brève explication aux lecteurs. Et dabord, sa création vient-elle en temps opportun ? Dans ces moments si critiques, ne serait-il pas mieux de consacrer toutes ses énergies à la défense du sol national Loin de nous toute idée de lucre ; le but que nous nous proposons est beaucoup plus noble : ne pas laisser éteindre lesprit gaulois, la caractéristique de notre race, répandre partout la bonne humeur et la franche gaîté En effet, en cette période difficile, il met du baume au cur de nombreux Lyonnais ; chaque semaine, ils attendent sa parution avec une réelle impatience, il faut les voir se presser pour lacquérir.
Les soldats, quant à eux, ne sont pas oubliés. Sur leur initiative et grâce à Guignol, un appel est lancé, car les poilus désirent ardemment recevoir des marionnettes et des pièces du répertoire. La souscription est fort bien accueillie. Elle permet lenvoi de ces colis et le maintien du moral de nos poilus. En novembre 1917, ce sont près de 300 poupées qui seront expédiées. Quelquefois, une photographie prise dans la cour dune caserne ou près des tranchées vient illustrer un texte débordant de remerciements et rédigé par un de nos soldats-marionnettistes.
Cités à lOrdre de la Fanny
Guignol, journal hebdomadaire humoristique, Lyon, Une du 24 février 1972, dessin de Qui (BM Lyon, 950633) En 1920, Victor Lorge décède ; la relève étant assurée, le journal continue dêtre édité, car Joanny Lorge (1884-1964), fils du fondateur, prend les rênes de sa destinée. Il poursuit luvre entreprise avec acharnement et lui donne un rayonnement sans égal. Sa popularité est telle quelle sétend au-delà de notre département, surtout dans ceux de lAin et de lIsère ; et lun des dix commandements de Guignol, imprimé lors de sa première parution, prend tout son sens, car il faut savoir : Guignol, tous les samedis, par ta ménagère, sur la table sera mis, pour ta rate dilater, autant que ton estomac se garnira.
Oui, tous les samedis, tous les mercredis et enfin tous les jeudis, il est bel et bien présent chez ses fidèles lecteurs. Ils y trouvent, à travers son humour si caractéristique, ses sous-entendus pleins de saveur, un réel plaisir à lire les multiples bêtises humaines qui jalonnent, toujours dailleurs, notre vie quotidienne. En première page, Guignol délaye, à la sauce lyonnaise, un fait régional ou national agrémenté dune délicate illustration ; tous les échos politiques émanant dune mairie ou de la capitale alimentent les colonnes intérieures : Etendages de la semaine, Gongonnages, Par-ci, par-là, sont des articles savoureux. Le sport est également à lhonneur avec Guignol esportif, même si, parfois, lon pose des questions du genre : La belote est-elle un sport ? On en pourrait discuter longuement Comme exercice dextension des bras, on ne ferait pas mieux, ni comme élévation verticale du coude lorsquil sagit de boire le pot de Beaujolais qui a été joué ! Plus loin, on trouve la non moins savoureuse Chronique de la Mère Cottivet et enfin, en dernière page, les célèbres Petits potins régionaux. Ils apportent grâce à ses « correspondants », la nouvelle digne de paraître dans Guignol, sans oublier la fameuse rubrique : Cités à lOrdre de la Fanny, sans commentaire !... De succès en succès, le journal fête le 2 000e numéro le 13 août 1953.
Hélas, Joanny Lorge meurt subitement en 1964. Il a 80 ans et laisse le flambeau à son épouse, à charge pour elle de souligner dignement les 50 années de leur journal. Les festivités ont lieu le 23 novembre de cette année-là, en présence dune pléïade de Lyonnais avec en tête, le maire de Lyon, Louis Pradel.
Les années se succèdent, son accueil est moins prisé, les goûts ne sont plus les mêmes, du coup, sa parution sachève en fin dannée 1970. Le journal est, malgré tout, racheté par Monsieur Bertin qui tente de le maintenir. Malheureusement lesprit de Guignol est loin de rivaliser avec celui de ses fondateurs. Finalement, le journal disparaît des kiosques deux ans plus tard. Quelques persévérants, dont Roland Rolland, tentent déditer un nouveau journal. Celui-ci est mis en vente le 4 janvier 1978 pour la somme de 3 francs. Il a pour titre Allô Lyon Ici Guignol ! [note]Allô Lyon Ici Guignol et Roland Rolland, journal humoristique et satirique, dit tout sur tout pour tous, Lyon, janvier 1978-1978 (BM Lyon, 956 208) Mais au bout de quelques numéros, le journal, à la demande de Monsieur Bertin, comparaît au tribunal de grande instance. Allô Lyon Ici Guignol ! constitue à ses yeux une contrefaçon de la marque « Guignol » déposée par lui. Suite à ce procès, sa parution est interrompue.
Ainsi cet historique, non exhaustif et sans prétention, sur les journaux de lami Guignol se termine. Refermons ensemble la dernière page de cette présentation dun passé riche de plus dun siècle dimpression. Ces recherches nous auront, tout au moins, permis de faire connaissance avec les principaux journaux de Guignol. Mais, si aujourdhui lhebdomadaire Guignol a disparu, notre marionnette, elle, est toujours bien vivante. Guignol personnifie lesprit lyonnais, narquois, persifleur mais toujours plein de bon sens, alors sil ne peut plus sexprimer par lécrit, souhaitons-lui de conserver son franc-parler et son accent !