Sommaire :

    Merci Monsieur !

    Je suis riche de ce que je ne possède plus. A coup sûr, la belle phrase par laquelle Georges Baguet conclut l'article ouvrant ce n°18 de Gryphe, prend des allures de symbole. Celui du combat qui doit inévitablement se livrer, au plus profond de celui qui, un jour, au cours de sa verte vieillesse pour reprendre la phrase fameuse d'Alexandre Lacassagne, lui-même collectionneur et donateur de la Bibliothèque, décide de faire don de ses collections. Qui sont de surcroît, dans le cas présent, ses propres photographies, le travail et la passion de toute une vie, bref, beaucoup de lui-même. On imagine les hésitations, les scrupules qui ont dû et doivent toujours assaillir les donateurs postulants ? Pour ne pas parler des marchands qui rôdent, les poches jadis remplies de francs or, ensuite de francs Pinay, aujourd'hui d'euros.

    Baroudeur de l'image qu'il est allé traquer dans le monde de ces « minorités » qui ne faisaient pas encore, la Une des magasines, Georges Baguet a franchi allègrement le pas. Une exposition préparée par les soins attentifs de Sylvie Aznavourian, permit un premier contact, une première approche réciproque. La donation de 6000 prises de vue, environ, a pérennisé la chose.

    Finalement, seul un point de divergence, sinon de désaccord, subsiste, à la lecture de l'article mentionné plus haut : quand Georges Baquet écrit Mes photos sont narratives, avant d'être esthétiques, on ne peut être vraiment d'accord avec lui. Car elles sont les deux ! Mais l'on se retrouve aisément dans la phrase suivante. Les personnes que j'ai photographiées, le temps n'a pas marqué leur visage. Que sont devenus les plus jeunes ? Et de nous poser la même question : qu'est devenu le jeune black de New York, portant son tourne-disque dans les bras ? Que sont devenus ces jeunes Irlandais adossés à une façade aveugle transformée en panneau de liberté ? Et ce couple de Harlem qui a tant touché le photographe français ? Nous ne le saurons sans doute jamais, mais nous pouvons désormais penser à eux, via l'image. Et nous sommes riches de cette pensée. Merci Monsieur !