Les bibliothèques patrimoniales françaises à l'aube d'une renaissance
Dans la plupart des pays, les grandes collections publiques de livres anciens, rares ou précieux se trouvent dans les bibliothèques nationales ou universi¬taires. En France, la situation est bien différente. En dehors de la Bibliothèque nationale de France, ce sont les bibliothèques municipales qui, suite aux confis¬cations révolutionnaires, recèlent les plus fabuleux trésors du patrimoine écrit et graphique.
Jusqu'à une période récente, cette réalité n'avait pas eu que des avantages. Le manque de moyens longtemps dévolus à la conservation, au traitement et à la valorisation des oeuvres, mais aussi l'éloignement de la communauté scientifique n'avaient pas permis de donner à ces collections tout le rayonnement qu'elles méritent. Force était de constater un retard évident, en particulier par rapport au monde anglo-saxon. Il aurait pourtant été légitime que certaines bibliothèques municipales françaises, comme celle de Lyon, puissent prétendre rivaliser avec les institutions les plus prestigieuses et contribuer davantage à la vie intellectuelle et culturelle internationale.
La situation française est, cependant, en train de changer rapidement. D'importants efforts d'informatisation et de mise en réseau des catalogues des fonds anciens ont été consentis depuis le début des années 90. D'ambitieuses campagnes de numérisation ont été entreprises avec le concours des meilleurs spécialistes. De belles expositions ont commencé à voir le jour et toute une pédagogie innovante se développe désormais autour du livre. Quant au corps social et à ses représentants, ils ont commencé à prendre conscience qu'à la grande vague d'essor des musées devait sans doute succéder une période de dynamisation des bibliothèques patrimoniales, ces véritables musées de la civilisation du livre.
Celles-ci sont donc aujourd'hui au seuil d'une révolution qui pourrait non seulement leur permettre de combler leur retard mais aussi de se projeter vers un nouveau modèle, celui de la bibliothèque-musée, où s'articule¬raient fortement : conservation des documents, « monstration » des oeuvres et usage des contenus ; valorisation culturelle auprès d'un large public et recherche spécialisée ; préservation du passé et expérimentation des nouvelles formes de traces écrites ou graphiques. Le défi est difficile à relever du fait de la nature même du livre qui, avant d'être un objet de contemplation demeure un outil de travail intellectuel. A la différence des musées classiques, il s'agira de féconder, l'un par l'autre, le regard et l'usage, de favoriser l'immersion active dans un espace autant réflexif que culturel. Il n'y a sans doute pas d'autres issues pour le livre, sauf à vouloir l'embaumer ? Il va de soi que la Bibliothèque municipale de Lyon, fidèle à l'histoire d'une cité où oeuvrèrent Claude Nourry, Etienne Dolet, Jean de Tournes et Sébatien Gryphe, ne compte pas être en reste devant une perspective aussi enthousiasmante ! Gryphe est là pour en témoigner.