Sommaire :

    Les abbés de la Société

    Figures de l'érudition ecclésiastique lyonnaise

    Au début du XIXe siècle, la part prise par les ecclésiastiques lyonnais dans les études locales fut, semble-t-il, très relative. Il est vrai qu'au lendemain du Concordat, l'heure n'est pas à la délectation scientifique, le diocèse de Lyon est alors en pleine reconstruction et sa réorganisation administrative, comme celle de ses paroisses, ne laisse visiblement que peu de temps pour les distractions savantes. On relève néanmoins la présence de l'abbé Tarpin, chargé d'un cours de philosophie ancienne, au sein de l’éphémère Cercle religieux et littéraire de Lyon, fondé en février 1824, une « Société lyonnaise des bonnes études » . Il faut attendre le début des années 1840 pour que plusieurs figures de la société religieuse lyonnaise se fassent connaître en matière d'études historiques, à l'image des abbés Greppo et Jolibois qui multiplient les articles notamment dans la Revue du Lyonnais. Mais alors que le premier fonde sa démarche sur l'étude minutieuse des monuments d'épigraphie chrétienne et païenne, son confrère mène des travaux qui n'échappent pas à l'hagiographie et aux mythes. Pour l’abbé Jolibois, l'Église est une mine « riche et féconde » dont l'histoire, les traditions et les usages n'ont jusqu'à présent pas été assez exploités, écrit-il en 1856 . De 1807 à nos jours, la Société littéraire a compté dans ses rangs 54 ecclésiastiques, soit près 6,7 % des effectifs, sans parler des membres correspondants . Dans le détail, ceux-ci représentaient 6,6 % des membres de la Société entre 1807 et 1914, pour ne représenter que 1,2 % aujourd'hui. Le premier admis est le chanoine Pierre-Étienne Bonnevie en 1814, le dernier à ce jour est l'abbé Georges Babolat, en 1971. Pour s'en tenir à la période 1807-1914, les ecclésiastiques sont les moins nombreux (5,9%) aux côtés des artistes (5,3%), si l'on tient compte des autres corps professionnels de la Société, qu'il s'agisse des professions juridiques (28,6%), des journalistes et des éditeurs (19%), du personnel enseignant (16,3%), des conservateurs (14,2%) ou encore des acteurs de l'économie (6,6 %) .

    Quel rôle joue l'érudition ecclésiastique dans le développement des études locales à l'époque contemporaine ? Quels sont les champs de recherche privilégiés des prêtres-historiens et quelle part prennent-ils aux débats contemporains ? Dans quelle mesure l'évolution de la discipline historique possède-t-elle une incidence sur les travaux touchant à l'histoire religieuse du diocèse ? Au début du XIXe siècle, l'Eglise de Lyon entreprend de redécouvrir les âges héroïques de son histoire, la fondation chrétienne des Gaules et le martyre de 177, qui comptent pour ses plus illustres titres de gloire et dont l’archéologie et les études historiques doivent fournir les preuves matérielles intangibles.

    Le temps de la reconstruction religieuse

    Prédicateur talentueux, esprit cultivé, ami des arts et des lettres, chanoine de Lyon, de Toulouse et de Limoges, l'abbé Pierre-Etienne Bonnevie (1761-1849) est sans conteste l'une des personnalités les plus célèbres de la Société littéraire, et demeure le seul ecclésiastique né sous l'Ancien Régime à l’intégrer au début du XIXe siècle . Comme nombre de ses confrères, l'abbé Bonnevie fut profondément marqué par la tourmente révolutionnaire, lui qui se trouva aux Tuileries le 10 août 1792 et vécut la prise du palais par les insurgés, avant de s'enfuir sous les habits d'un employé de cuisine. Refusant la constitution civile du clergé, il échappe aux persécutions et s'exile dans les Etats germaniques, se rend à Trêves, à Coblence puis à Berlin où il rencontre le prince-évêque de Warmie, aujourd'hui au nord-est de la Pologne, qui l'attache à sa personne. L'épisode révolutionnaire passé, l'abbé Bonnevie devient chanoine de la cathédrale Saint-Jean en 1803, au moment où le Cardinal Fesch reconstitue son chapitre. Bonnevie devient ainsi son secrétaire lorsque le nouvel archevêque de Lyon est nommé ambassadeur à Rome par le Premier Consul. Sa notoriété de prédicateur était déjà acquise sous l'Ancien Régime et l'homme ne cessa de briller en chaire, en digne successeur de Bourdaloue, au point de se voir décerner le titre d'« orateur sacré de la ville de Lyon ». Infatigable, il prêche de toute part, carêmes, sermons, panégyriques, oraisons, éloges funèbres. Paris, Avignon, Nîmes, Montpellier, Toulouse le réclament. En 1810, le prêtre le plus occupé de la cité est nommé proviseur du Lycée impérial et il lui revient de présider la cérémonie expiatoire en l'honneur des victimes du siège de Lyon qui se déroule à l'église Saint-Polycarpe le 2 novembre 1814, et de prononcer les oraisons funèbres de Louis XVI, de Marie-Antoinette, de Louis XVII et d'Elisabeth de France. Le 29 octobre 1824, il est encore chargé de l'oraison funèbre de Louis XVIII à la cathédrale Saint-Jean. Effacer le souvenir de la Révolution et ses idées licencieuses dans les esprits, convaincre les plus réticents, telle est l'ambition des morceaux oratoires de l'abbé Bonnevie. L'homme ne méconnaît pas la grandeur des monuments médiévaux si l'on en juge par la notice qu'il consacre à la cathédrale de Lyon, publiée avec son panégyrique de saint Jean-Baptiste en 1820 . Bien que dépouillée de ses biens, l'Eglise de Lyon, selon l’auteur, n'en garderait pas moins sa sévère grandeur comme pour minimiser l'ampleur des dévastations qui affectèrent les édifices cultuels à la fin du siècle précédent. Bonnevie cite en particulier l'horloge astronomique, les vitraux de la cathédrale « si grièvement offensés et qu'on rétablit avec soin », et appelle de ses vœux la restauration de la chapelle des Bourbons, visiblement séduit par sa fantaisie décorative, « Les ornements sont du dernier et du plus beau gothique. Ils sont faits avec la plus grande délicatesse », écrit-il. Pour autant, l'abbé Bonnevie ne s'embarrasse pas de scrupules historiques ni de détails, dès lors qu’il s'agit d'évoquer les premiers temps du christianisme à Lyon et la fondation de la primatiale, la tradition demeurant visiblement la meilleure garantie. « Leidrade a résolu toutes les difficultés dans sa lettre à Charlemagne », affirme-t-il laconiquement.

    Ce n'est véritablement que sous la Monarchie de Juillet que l'Eglise de Lyon commence à réunir patiemment les pièces de son histoire, sous l'action de ses figures érudites ainsi qu'à l'appui d'une étude plus rigoureuse des sources manuscrites et imprimées comme des monuments d'art chrétien qui fournissent la matière d'une abondante littérature. Entre la fin des années 1840 et le début des années 1860, la Société littéraire voit l'admission de huit ecclésiastiques en les personnes des abbés Fleury La Serve, Jean-Baptiste Christophe, Léonce Brosse, Victor Chambeyron, Jean Roux, Auguste Coudour, François Chevalier et Martin Vernage. Tous sont nés sous l'Empire, à l'exception de deux d'entre eux, et leur l'âge d'entrée à la Société varie entre 25 et 45 ans. Les centres d'intérêts de ces jeunes ecclésiastiques sont ceux de leur génération : voyages et excursions pittoresques, études d'archéologie et d'épigraphie, mémoires et notices historiques, essais littéraires. L'abbé Roux (1813- ?) prendra la succession de l'abbé Greppo aux côtés de l'abbé Boué dans les colonnes de la Revue du Lyonnais, donnant une multitude d'articles sur des sujets aussi divers que les inscriptions antiques de Lyon, les écrits de Louise Labé ou encore l'art religieux contemporain, même si l'archéologie a visiblement sa préférence. C'est en critique d'art que l'abbé Jacques Roux commente les travaux contemporains de Fabisch et de Bonnassieux, les nouvelles verrières de l'église Saint-Bonaventure, les ornements liturgiques issus des fabriques lyonnaises ou encore la chapelle de l'archevêché aménagée par Tony Desjardins à la demande de Mgr de Bonald en 1850. Ses articles se feront notamment l'écho de l'engouement pour l'art gothique au moment-même où le diocèse est en proie à une fièvre de constructions et de restaurations. Contre les critiques acerbes du polémiste Joseph Bard à propos de la gothicomanie contemporaine, l'abbé Roux prendra en particulier la défense de Pierre Bossan et de sa monumentale stalle néo-gothique flamboyante, réalisée en 1845-1850 pour la cathédrale Saint-Jean, tout en louant la multiplication des flèches dans le ciel brumeux de la ville . Aux inquiétudes soulevées par l'introduction de la liturgie romaine, l'abbé Roux affirme qu'il ne saurait être question d'un quelconque retour au passé, « [...] Pourquoi ne pas reconstruire les églises de Saint-Etienne et de Sainte-Croix [...] rappeler le chapitre des vieux comtes de Lyon », affirme-t-il dans un jugement sans appel.

    L'abbé Christophe (1809-1882), qui se fait connaître dans la Revue du Lyonnais en 1853, ne manque pas de condamner, à son tour, les dernières manifestations du gallicanisme face à la centralisation romaine dans son étude consacrée à l'Histoire de la papauté au XIVe siècle, publiée en 1853 . Plusieurs récits figurent encore dans la bibliographie de l'abbé Christophe, un voyage au Grand Saint-Bernard en 1854 ainsi qu'un séjour à Fribourg dix ans plus tard. Au début des années 1840, les comptes rendus d'ouvrages et les notices biographiques apparaissent dans les revues aux côtés des monographies paroissiales, et ce dernier genre devait connaître un succès fulgurant jusqu'au XXe siècle. On songe en particulier à l'essai de l'abbé Victor Chambeyron (1813-1869) sur l'église Notre-Dame de Belleville-sur-Saône, publié en 1845 chez Didron, « Je m'étais livré par mode de délassement à l'étude du Moyen-Age, de son génie et de ses œuvres, quand la Providence me déposa au sein d'une province où je pouvais étudier les monuments et interroger des ruines », écrit-il en préambule . Si le propos alterne souvent entre des considérations générales et de longues descriptions, il faut relever combien cet exercice obligé va bientôt s'imposer chez les desservants comme chez les architectes-restaurateurs au moment où ceux-ci s'engagent dans des campagnes de travaux. Encore faut-il préciser que l'abbé Chambeyron fut correspondant du ministère de l'Instruction publique pour les travaux historiques du comité des Arts et Monuments.

    Un âge d'or de l'érudition ecclésiastique

    A l'orée des années 1880, les questions archéologiques cèdent le pas à l'histoire ecclésiastique, d'autant que les crédits affectés aux édifices cultuels se raréfient et alors que l'immense effort d'équipement paroissial du siècle arrive à son terme. Entre 1877 et 1914, pas moins de 15 religieux sont reçus à la Société, leur moyenne d'âge est rigoureusement la même que celle de la génération précédente, c'est-à-dire 38 ans (par ordre d'admission) : James Condamin (pseudonyme de J. de Beauregard), Jean-Baptiste Vanel, Félix Conil, Marius Grillet, Maxime Relave, Jean-Baptiste Martin, Auguste Rochette, Pierre Bauron, Antoine-Marie Peyrieux, Joseph Pourrat, Eugène Sirech, Calixte-Antoine Rousset, Camille Martin, Charles Monternot, André Chagny.

    Le plus jeune admis est l’abbé Vanel (28 ans), le plus âgé est l'abbé Peyrieux (55 ans). Pour cette nouvelle génération, l'histoire religieuse doit acquérir la même rigueur que les travaux de l'université, temple de la raison ; il y va de la crédibilité même de l'Eglise et de son message face à la montée de l'indifférence et d'un anticléricalisme de plus en plus virulent. L'importance croissante prise par les chartistes dans les travaux historiques ne sera pas indifférente à cette évolution majeure. C'est en effet par la philologie, la paléographie et les études archivistiques que l'Eglise va mener cette révolution méthodologique, sur la fin du siècle sous l'égide de figures remarquables comme l'abbé Martin (1864-1922), l'abbé Condamin (1844-1929) ou encore l'abbé Vanel (1851-1929), qui s'en expliquera en 1894 : « Nous reconnaissons aujourd'hui sans peine l'importance et la nécessité des recherches de l'érudition, les inscriptions, les monuments et les parchemins des chartiers ; nous applaudissons volontiers aux thèses solides qui en établissent l'autorité, malgré les variations de la politique, malgré les changements dans les manifestations de la religion populaire » . Il est vrai qu'en l'espace d'une vingtaine d'années, les mythes fondateurs entourant l'histoire religieuse de la ville se sont littéralement effondrés sous le coup des études contemporaines, « Veuillez plutôt en juger vous-mêmes – écrit encore l'abbé Vanel – L'autel d'Auguste était transporté d'Ainay sur la pente de la Croix-Rousse ; l'amphithéâtre émigrait à Fourvière ; les légendes de Saint-Nizier rentraient dans la catégorie des fictions [...] ». Alors que la discipline archéologique échappe à ses figures érudites, l'Eglise peine à répondre à ses détracteurs malgré une active « défense » orchestrée sous la Troisième République par Dominique Meynis, l'abbé Florent Dumas ou encore l'abbé Claude Comte pour ne citer qu'eux. La question de la localisation du martyre de 177 et de l’amphithéâtre des Trois Gaules devait susciter, au sein de l’érudition lyonnaise, les plus vives controverses. On comprend combien la remise en cause de la valeur historique de la Lettre aux Églises d'Asie et de Phrygie attribuée à saint Irénée et qui décrit l’holocauste sanglant de la fondation chrétienne des Gaules, revêt un caractère problématique pour l'Église ; une lettre parfois regardée comme le plus beau texte de l’Eglise primitive, véritable « document fondateur de l'Eglise de France ». Mais cette référence majeure de même que les écrits de Grégoire de Tours sur ce sujet seront reconnus erronés au congrès archéologique de France en 1887. Contre les assauts du positivisme, c’est désormais sur le front de l’historiographie que l’Eglise va organiser sa défense, comme le proposait déjà l'abbé Gorini en 1853 dans sa méthode critique des sources de l'histoire du christianisme (La Défense de l'Eglise).

    Dans son Histoire du couvent des Minimes de Lyon, publiée en 1879, l'abbé Vanel, ancien professeur d'histoire à l'Institution Notre-Dame des Minimes et alors vicaire à Sainte-Blandine (Lyon), rappellera ce que les études contemporaines doivent à l'archéologie : « Les monuments comme les hommes ont leur histoire [...]. Celui qui souhaite la lire la trouve en quelque sorte écrite sur chacune des pierres dont ils se composent ». André Latreille rendra hommage au travail scientifique entrepris par l'auteur : « Il dépouilla aux Archives départementales du Rhône – écrit-il – douze gros volumes in-folio et deux énormes liasses de papiers, bulles, lettres, contrats de vente, baux de loyers, procès-verbaux de chapitre ». Un temps vicaire de Saint-Germain-des-Prés, il revient dans le diocèse en 1894 où il est nommé successivement curé d'Essertines-en-Donzy (Loire), de Saint-Joseph de la Demi-Lune (Rhône) et enfin de Saint-Bonaventure à Lyon. Dès lors, il multiplie les travaux d'histoire locale, littéraire et ecclésiastique, publiant de nombreux articles dans la Revue du Lyonnais, aux côtés de ses confrères de la Société, les abbés Christophe, Condamin et Ulysse Chevalier, sans oublier l'abbé Maxime Relave. Parmi les nombreuses études de l'abbé Vanel, on ne peut manquer de citer Les Bénédictins de Saint-Germain-des-Prés et les savants lyonnais (1894), le Nécrologe des religieux de la Congrégation de Saint-Maur, enterrés à Saint-Germain-des-Prés (1896), le Martyrologe de la Sainte Eglise de Lyon publié avec James Condamin et avec la complicité du chartiste Georges Guigue, archiviste du département du Rhône , et L'Episcopat français depuis le Concordat jusqu'à la Séparation (1802-1905), publié en 1907. Son nom reste associé à la fondation du Bulletin historique du diocèse de Lyon avec l'abbé Martin, bulletin qu'il dirige à partir de 1910.

    C'est à la littérature que l'abbé James Condamin consacre l'essentiel de ses travaux aux côtés de plusieurs monographies communales sur Saint-Chamond et Saint-Bonnet-le-Château (Loire). On relève en particulier des études sur Laprade, Joubert et Ozanam, plusieurs biographies dont une sur saint Ennemond, évêque de Lyon, ainsi que des récits de voyages, l’un sur les bords du Rhin et aux Pays-Bas, l’autre qui conduit l’auteur de la Grèce à l'Egypte par la Palestine. Son confrère l'abbé Conil, vicaire à Saint-Pothin et chevalier du Saint-Sépulcre, admis à la Société littéraire en 1883, dressera l'histoire du mouvement catholique à Jérusalem dans un ouvrage publié en 1894 , tandis que l'abbé Auguste Rochette, docteur ès Lettres et professeur aux Facultés catholiques, voue sa prédilection au vieux français et aux textes latins, voyant dans les œuvres du Moyen Âge, leur inspiration candide et généreuse, toute l'âme chrétienne de la France.

    L'heure des inventaires

    L'Eglise de Lyon dressera l'inventaire de ses œuvres et de ses « troupes » à l'orée du XXe siècle, dans la perspective de la Séparation, et cette démarche s'appliquera également à ses biens immobiliers, aux objets d'art et à ses collections bibliographiques comme pour prévenir les spoliations futures. Les abbés Vanel et Martin seront les artisans de cette entreprise ambitieuse et aucun domaine ou presque n'échappera à leur curiosité insatiable. Chercheur de premier ordre, bibliographe éminent, l'abbé Martin partage sa vie entre des études savantes et le service des pauvres, d'abord à la cité de l'Enfant-Jésus aux Brotteaux, dont il fut l'aumônier pendant trente ans, puis à la maison des vieillards de Vaise. A sa mort, survenue en 1922, Chardiny, président de la Société, lui rendra un vibrant hommage, dressant le portrait haut en couleur de l'une des plus éminentes figures de la société religieuse lyonnaise contemporaine, véritable « apôtre pacificateur des bas-fonds de notre société » . Elève de l'externat Saint-Joseph puis séminariste à Saint-Sulpice avant de poursuivre sa formation à Saint-Louis des Français à Rome, l'abbé Martin devient vicaire de la paroisse de Thel, près de Thizy (Rhône) avant d'être nommé à Notre-Dame des Anges dans le quartier de la Vitriolerie (Guillotière). Maître de conférence, puis professeur d'archéologie chrétienne aux Facultés catholiques de Lyon, il est admis à la Société en 1896 et s'occupe, dès cette date, de la rubrique Archéologie de la Revue du Lyonnais en assurant également les comptes rendus des ouvrages consacrés à l'histoire chrétienne. Passionné de syriaque et d'hébreu comme de manuscrits médiévaux, à 41 ans, il soutient sa thèse de doctorat ès Lettres à l'université de Lyon, offrant à l'Eglise et aux amateurs son monumental Conciles et bullaires du diocèse de Lyon [...], résultat d'une dizaine d'années de recherches d'une rigueur scientifique irréprochable, ce que l'auteur ne manque pas de souligner dans son introduction, « [...] animé du souci constant de remonter à la source première de tout document cité et de voir de mes yeux les originaux ». Pour l'abbé Martin, il est temps d’en finir avec les fables et les légendes qui peuplent encore les études ecclésiastiques et le moyen privilégié d’y parvenir est, précisément, de travailler sur les sources manuscrites et imprimées. C'est en effet en matière d'études bibliographiques que l'érudit donne la pleine mesure de son talent. En 1902, l'abbé Martin publie un inventaire méthodique des manuscrits conservés dans plusieurs bibliothèques ecclésiastiques ; l'année suivante, il édite avec le Docteur Birot l'inventaire de la collection de livres d'heures conservés au trésor de la primatiale Saint-Jean, puis en 1910, une bibliographie liturgique de l'abbaye de Cluny.

    Robert Amiet, qui œuvra sur les pas de ce maître, rappelle que l'abbé Martin avait également entrepris de rechercher, ficher et publier une bibliographie générale des livres imprimés à Lyon ou concernant Lyon depuis les débuts de l'imprimerie. Il avait réussi le tour de force de réunir le nombre incroyable de 300 000 fiches, dont à sa mort, survenue en 1922, il n'était parvenu à publier que la lettre A, soit 7 983 numéros ! Alors que le trésor de la primatiale, reconstitué au milieu du siècle par le cardinal de Bonald, sera nationalisé à la Séparation avec ses précieux manuscrits enluminés, on ne peut s'empêcher de penser que cet immense effort bibliographique est également destiné à inventorier les biens de l'Eglise, tout du moins à rappeler la provenance religieuse de nombre de collections qui tomberont dans le domaine public au début du siècle. A la même époque, l'abbé Vanel consacre une étude à la liste épiscopale de Lyon (1900) et rédige quelques années plus tard une histoire du palais épiscopal de Lyon (1912) dont l'archevêque fut expulsé en 1905. L'abbé Charles Monternot, curé du Bon-Pasteur, admis à la Société en 1908, se fera également l'écho des persécutions religieuses contemporaines devant les injonctions de soumission aux lois de la République à travers la publication, en 1911, d’une monographie consacrée à Mgr de Marbeuf, dernier archevêque de Lyon sous l'Ancien Régime, et en 1918 d’une histoire de l'Eglise de Lyon sous la Révolution.

    Cette idée d'inventaire s'applique également aux églises et aux chapelles de Lyon. Telle est en effet l'ambition de l'ouvrage le plus célèbre de l'abbé Martin, qui le fit connaître du grand public, son Histoire des églises et des chapelles de Lyon, qui paraît en 1908 et 1909 en deux volumes . Comme le souligne l'abbé Vanel dans la préface, il s’agit bien de « [...] garantir de l'oubli les richesses artistiques, livrées depuis la dispersion des communautés religieuses et la suppression de la protection de l'Etat sur nos temples, à la rapacité des spoliateurs ou à l'incurie des séquestres ». L'abbé Martin réunit les matériaux de cette histoire sur près de dix ans et publiera plusieurs monographies sur la paroisse Saint-Pothin (1900), la chapelle de la Visitation Sainte-Marie de Bellecour (1902) et le chapitre primatial de Saint-Jean (1903). La fresque héroïque que l'abbé Vanel dresse de l'histoire de l'Eglise de Lyon, donne la mesure de la grandeur du sacrifice qui lui est imposé, depuis l'arrivée de saint Pothin et la conversion au christianisme jusqu'à ces temps obscurs qui condamnent les congrégations à l'exil et les séculiers à n'être que des « occupants passagers », pour reprendre son expression. L'abbé Martin s'associera la complicité d'Armand Calliat, de Lucien Bégule, des architectes Sainte-Marie Perrin et Rogatien Le Nail, sans compter les historiens Antoine Bleton, Jean Beyssac, Léon Galle, Félix Desvernay, pour ne citer qu'eux, afin de mener à terme cette œuvre « d'utilité publique ». L'année de sa mort, paraît le premier volume de sa Bibliographie lyonnaise, dernier ouvrage qui fut couronné par l'Académie de Lyon. Pas moins de 353 pages, 7 983 notices complétées, pour chacune d'entre elles, des sources imprimées et manuscrites connues, tel est le testament intellectuel d'un homme dont la science et la puissance de travail suscitaient l'admiration jusqu'à Rome .

    Le Bulletin historique du diocèse de Lyon Sous le patronage des facultés catholiques

    À l’orée du XXe siècle, le temps semble venu pour l'Eglise de posséder un périodique de diffusion scientifique indépendant aux côtés des bulletins paroissiaux et diocésains qui revêtent une importance majeure sur fond de crise anticléricale. A une époque où les revues d'histoire se multiplient –on n'en compte pas moins de quatre pour la seule ville de Lyon avant 1914–, l'Eglise de Lyon s'offre un nouvel espace de liberté par la fondation, en 1900, du Bulletin historique du diocèse de Lyon à l'initiative des abbés Vanel et Martin, ce dernier en assurera la direction jusqu'en 1910. Il n'est pas indifférent qu'une telle publication se place sous le patronage des Facultés catholiques qui demeurent la pièce maîtresse de la défense religieuse en ces temps incertains. La publication de la liste des martyrs de Lyon dans la première livraison du Bulletin historique du diocèse de Lyon a valeur de symbole et ce choix est plus éloquent qu'un long discours sur l'ambition totalisatrice de l'entreprise, « Le programme est vaste, les matériaux abondants – écrivait l'abbé Martin – tout document ou travail qui par son importance ou son intérêt, touche au diocèse, pourra faire l'objet d'une publication ».

    L'élite de l'érudition ecclésiastique se retrouve autour des abbés Vanel et Martin. On relève en particulier les noms de l'abbé Jean Beyssac, l'abbé Thévenet, l'abbé Prajoux, membre correspondant de la Société littéraire, l'abbé Monternot, Mgr Forest, le chanoine Chatelus, recteur de Fourvière auxquels s'associent Georges Tricou, Félix Desvernay, Auguste Bleton ainsi que Lucien Bégule. Paraissant tous les deux mois, le Bulletin, qui compte une trentaine de pages et cinq ou six articles courts dans ses premières livraisons, atteint dès 1904 une soixantaine de pages, les articles gagnant en développement au point que certains numéros n'en comportent que deux. On observe que les sommaires des Mémoires de la Société littéraire figurent en bonne place dans la rubrique Bibliographie, aux côtés de travaux touchant à l'archéologie et à l'histoire religieuse, comme pour rappeler les liens qui unissent la Société à ses confrères. Plus que jamais, l'exégèse bibliographique est à l'ordre du jour. « La précision est aujourd'hui de rigueur en histoire [...] on pourra distinguer véritablement les textes eux-mêmes des commentaires dont on les a souvent accompagnés », écrivait le rédacteur en chef du Bulletin, à charge notamment pour l'abbé Favrier de dépouiller les auteurs grecs et latins et de publier leurs écrits concernant Lyon. Aux côtés des articles et des rubriques, l'abbé Martin inaugure dès 1906 un répertoire biographique du clergé lyonnais au XIXe siècle. La même année, la Société Gerson pour l'histoire et l'archéologie religieuse du diocèse de Lyon, est fondée par les abbés Martin, Vanel et Peyrieux, et cette initiative fut saluée par le cardinal Coullié, encourageant le zèle de ses prêtres et les invitant à prendre une part active à cette initiative, « Nous verrons se former peu à peu des archives documentées, composant l'histoire complète de ce diocèse », écrivait-il en août 1905 .

    La première réunion se tient le 26 juin 1905 au siège de la Société, l'ancienne chapelle de Jésus-Hostie (5, rue Cléberg), et pas moins de vingt-quatre adhésions ont été suscitées dès les premières semaines d'activité. Il est spécifié dans ses statuts que la Société « s'occupe d'abord de l'histoire religieuse du diocèse » (art. I.1), et « en second lieu de l'archéologie religieuse du diocèse » (art. I.2) et demeure indifférente à toutes études purement théologiques, scientifiques, littéraires, politiques et sociales, comme pour se distinguer nettement de la Société littéraire mais également des différentes revues d'histoire de Lyon dont celle fondée par Sébastien Charléty en 1902. L'abbé Peyrieux, alors chapelain de Fourvière, démissionnaire de la Société littéraire en 1900, rédigera les articles du règlement de la Société Gerson sur le modèle de la Société Gorini d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse, fondée en 1904 à Bourg-en-Bresse par un cercle de prêtres érudits du diocèse de Belley. L'idée de former une bibliothèque au sein de la Société Gerson revient vraisemblablement à l'abbé Martin dont l'intérêt pour le domaine du livre est alors largement partagé par ses confrères, à l'image de l'abbé Conil qui fondera en 1885 la Société des bibliophiles lyonnais. L'archevêque de Lyon contribua personnellement par des dons à l'accroissement d'un fonds qui était destiné à devenir une bibliothèque de prêt à domicile au service des prêtres du diocèse. De 1906 à 1908, les comptes rendus des réunions de la Société Gerson seront publiés dans le Bulletin historique du diocèse. Lectures, communications et discussions, accueil des nouveaux membres –Félix Desvernay sera admis comme membre honoraire en septembre 1905– composent l'ordre du jour de réunions qui ne réunissent pour tout dire qu'un cercle d'initiés ; celles-ci ne comptent en effet que cinq à huit participants dont les membres du bureau, dans le détail : Mgr Forest, professeur honoraire des Facultés catholiques, président, Vanel, vice-président, Peyrieux, secrétaire, et Martin, bibliothécaire.

    En 1912, le Bulletin historique du diocèse devient officiellement l'organe de la Société Gerson. Le périodique connaîtra un second essor au lendemain de la Première Guerre mondiale, ouvrant la publication à de nouveaux collaborateurs : le chanoine Humbert Mollière, le chanoine Sachet, l'abbé Rochigneux ou encore Camille Germain de Montauzan et Jean Tricou. À la mort de l'abbé Martin en 1923, il revient à l'architecte Amédée Cateland d'animer désormais la rubrique Archéologie, publiant notices, photographies et croquis. Le Bulletin atteint une centaine de pages en 1924 et compte alors de nombreuses illustrations. Malgré le renouvellement de ses collaborateurs, on songe à Marius Audin, Dom Buenner, l'abbé Berjat, les abbés Rony et Malley.

    La disparition de l'abbé Vanel en 1929 marque le terme de cette entreprise éditoriale au service de l'Eglise. Il en va de même de la Société Gerson qui ne semble pas poursuivre ses activités au-delà de cette date. En 1930, le Bulletin historique du diocèse de Lyon devient trimestriel puis, en décembre 1931, il se transforme sous l'impulsion d'Audin pour devenir La Nouvelle Revue du Lyonnais, publiée sous les auspices de la Société des amis de Gadagne, cette dernière étant formée pour l'essentiel de membres de la Société littéraire. Mais l'expérience ne dépassera pas la publication de quelques numéros d'autant que l'histoire et l'archéologie suscitent de moins en moins de vocations passionnées au sein du clergé lyonnais.

    On ne peut manquer d'évoquer la figure de l'abbé André Chagny (1872-1965), docteur ès Lettres, professeur à Belley puis aux Facultés catholiques de Lyon, membre de l'Académie de Lyon, inspecteur de la Société française d'archéologie, admis à la Société en 1910. Passionné d'art et d'archéologie, l'abbé Chagny est l'auteur de nombreuses monographies d'édifices et d'ouvrages de vulgarisation. Animé du souci constant de diffuser la culture historique et de faire connaître les richesses patrimoniales, il signera de nombreux guides régionaux publiés par les éditions Arlaud à Lyon dans la collection Visions de France. Près d'une vingtaine de titres sortira des presses de 1934, date à laquelle paraît la première livraison consacrée au lac d'Annecy, jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

    A l'exception de quelques incursions septentrionales, c'est aux villes de la vallée du Rhône ainsi qu'à la Provence que la collection Visions de France est véritablement dédiée. Il est vrai qu'au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'idée félibréenne reprendra une vigueur nouvelle, portée localement par la Revue fédéraliste, dans un rêve de latinité qui ambitionnait de faire de Lyon la capitale d'un grand Sud-Est. De somptueux tirages héliographiques, dont les noirs profonds et les contrastes de lumière offrent à l'architecture un relief incomparable, accompagnent les textes de l'abbé Chagny. L'heure est en effet à la redécouverte de l'art roman, une seconde redécouverte devrait-on dire après celle du XIXe siècle, sous l'action de figures comme la Marquise de Maillé et Chagny qui signera en 1935 un volume imposant consacré à l'histoire de l'abbaye Saint-Martin d'Ainay, ouvrage préfacé par Marcel Aubert . C'est à la monographie de la cathédrale Saint-Jean de Lyon de Bégule (1910) que l’auteur se réfère incidemment, afin d'ordonner les parties de son étude, distinguant successivement l'histoire, l'architecture, la décoration et l'épigraphie ; Saint-Martin d'Ainay demeurant selon Chagny le point de convergence, de survivance du monde gallo-romain, de l'Orient chrétien et du Moyen-Age. Une large illustration à laquelle de nombreux artistes furent associés complète cette édition destinée à un vaste public. En avril 1935, alors président de la Société littéraire, Chagny présidera, aux côtés de Marcel Aubert et de Henri d'Hennezel, l'une des séances du 68e congrès des sociétés savantes qui se tient à Lyon. Dans les pas du Poème du Rhône de Mistral, l'abbé Chagny chantera aussi la beauté et les splendeurs de l'antique Vienne, « où dans la lumière limpide qui l'inonde, les clochers, les tours et les temples écrivent l'histoire auguste du passé ! » .

    Jamais le rêve de renouer avec la fondation religieuse de la ville ne fut peut-être plus près d'être atteint que lors de la restauration du chœur de la primatiale Saint-Jean en 1936. La même année, Chagny consacre une étude aux martyrs de Lyon, en soulignant que ni les fouilles de Fourvière, ni les multiples hypothèses échafaudées entre la seconde moitié du XIXe siècle et les premières décennies du siècle suivant, n'ont permis de retrouver avec certitude l'amphithéâtre de Lyon. Dès lors, importe-t-il, selon lui, de ne pas abandonner l'idée d'une localisation sur la colline de Fourvière et donc incidemment de reconnaître la valeur historique de la Lettre aux Eglises d'Asie et de Phrygie. En 1958, année du bimillénaire de la fondation romaine de la ville, l'amphithéâtre des Trois Gaules étant sur le point d'être mis à jour sous l'action de Amable Audin, l'Eglise de Lyon entend rappeler que ces précieux vestiges lui appartiennent moralement, comme le souligne le cardinal Gerlier dans un ouvrage co-signé avec Chagny, publié en 1955, « Parmi les villes de France, en est-il qui apparaisse plus chargée de gloire religieuse que celle de Lyon ? Sur son aube mystérieuse elle porte, comme un cachet divin, l'éclat du sang, que rien n'efface, et le témoignage des martyrs de Lyon ».

    Une difficile relève

    Entre 1919 et 1939, la Société littéraire admettra en son sein douze religieux dont deux pasteurs, parmi lesquels le chanoine Humbert Mollière, Mgr Antoine Rouche, les abbés Henri Folliet, Luc Maillet-Guy, Mgr Joseph Lavarenne, les chanoines Antoine Berjat et Joseph Alphe-Gaillard, les abbés Régis Jolivet, Pierre Séchaud et Pierre Maugé. Pour la seule année 1929, quatre ecclésiastiques sont reçus. La moyenne d'âge d'entrée à la Société est sensiblement plus élevée que celle des générations précédentes, elle est de 42 ans. Le plus âgé est Antoine Berjat, il intègre la Société à 57 ans, le plus jeune est Humbert Mollière qui est admis à 31 ans. A l'exception notable de l'abbé Chagny, de l'abbé Luc Maillet-Guy, qui consacre l'essentiel de ses travaux à l'abbaye de Saint-Antoine-en-Viennois (Isère) et, dans une moindre mesure, l'abbé Berjat, l'histoire religieuse lyonnaise peine à se renouveler jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le nom de l'abbé Berjat (1867-1935) demeure attaché à la fondation du musée de Fourvière qui ouvrit l'année du Congrès marial de Lyon en 1900. Un temps vicaire à Valfleury (Loire), deuxième sanctuaire marial du diocèse auquel il consacre une étude en 1931, Berjat devient vice-recteur de Fourvière en 1919. Sur les pas de l'abbé Martin, il entreprend d'établir l'inventaire des livres liturgiques du diocèse de Lyon et ce travail fut partiellement publié dans le Bulletin historique du diocèse de Lyon entre 1930 et 1931.

    Aux côtés de Chagny, l'une des figures les plus célèbres de la Société littéraire de l'entre-deux-guerres est sans conteste Mgr Lavarenne (1885-1949). Professeur au petit séminaire Leidrade (1910), secrétaire général puis président de la Propagation de la Foi (1939), Lavarenne demeure le chantre du régionalisme lyonnais, dont la finesse d'esprit et la poésie faisaient l'admiration des contemporains. En digne héritier de Laurent Mourguet et de Clair Tisseur, Lavarenne met son art oratoire au service de la poésie populaire et compose, en l'espace de cinquante ans, près de cinquante pièces pour le théâtre de Guignol. Conférencier admiré, il lui revient notamment de dresser un saisissant portrait de la ville devant le millier d’auditeurs réuni lors de la Semaine sociale de 1948 . Mais une figure aussi brillante que Mgr Lavarenne ne dissimule pas la faiblesse de l'érudition ecclésiastique contemporaine, même si on relève encore quelques monographies paroissiales.

    Les derniers prêtres admis la Société entre 1941 et 1971 sont au nombre de 16. On relève en particulier les jésuites Gairal de Sérézin, Claude Mondésert et Dominique Bertrand, le chanoine Joseph Perret, le mariste Maurice Laboué, Mgr Maurice Michaud, le chanoine Joseph Jomand, les abbés Robert Amiet, Raymond Etaix, le chanoine Jean Magnin et l'abbé Georges Babolat pour ne citer qu'eux. L'âge d'entrée à la Société est alors d'un peu plus de 42 ans. Aux côtés des travaux de philosophie menés aux Facultés catholiques par l'abbé Jolivet, les études bibliographiques et l'exégèse devaient connaître localement un nouvel essor à partir des années 1960, sous l'action de Claude Mondésert, Robert Amiet et Raymond Etaix pour s'en tenir aux seules figures de la Société littéraire qui œuvreront sur les pas de leurs illustres prédécesseurs. C'est ainsi que Raymond Etaix réalise, en 1965, le répertoire des manuscrits conservés à la bibliothèque des Facultés catholiques de Lyon, tandis que son confrère Robert Amiet dressera l'inventaire exhaustif des livres liturgiques du diocèse de Lyon, quelques années plus tard ; ce dernier consacrera d'ailleurs l'essentiel de ses travaux aux questions touchant à la bibliographie liturgique. Plus que jamais, la volonté de renouer avec l'Eglise des premiers temps chrétiens guide les études historiques contemporaines. Mais la diminution des vocations, les profondes transformations qui interviennent dans la société comme au sein de l'Eglise au cours des années 1960-1970 et leurs incidences sur la vie sacerdotale, devaient détourner les ecclésiastiques de la recherche au moment-même où les études consacrées à l'histoire religieuse connaissent un nouvel essor à l'université de Lyon, grâce à l’impulsion d’André Latreille.

    Une étude portant sur 34 ecclésiastiques de la Société met en relief l’importance des enseignants (institutions, petit séminaire, facultés catholiques) au regard de leurs confrères qui exercent leur ministère comme vicaire ou curé, sachant que nombre de ces derniers ont été à leur tour enseignants dans leurs premières années d'activité. Encore faut-il préciser que la Société littéraire ne touche pour ainsi dire que le clergé diocésain séculier ; trois jésuites sont certes admis dans la seconde moitié du XXe siècle mais aucun dominicain. On ne compte pas moins de sept professeurs ou chargés de cours aux Facultés catholiques (Martin, Chagny, Bourguignon, Etaix, Jolivet, Rochette, Sage), quatre professeurs aux Minimes (Coudour, Folliet, Mollière, Séchaud) et trois professeurs aux Chartreux (Bauron, Babolat et Amiet). Plus que les congrégations qui, localement, prendront très tôt le chemin de l'exil, le corps enseignant des Facultés catholiques s'impose sur la fin du siècle comme l'un des acteurs majeurs de la recherche ecclésiastique. On observe encore que les vicaires et les titulaires de circonscriptions paroissiales urbaines dominent très largement leurs confrères ruraux. Ainsi, nombre de prêtres-historiens mènent-ils de front une action dans des paroisses importantes et des activités de recherche . On relève encore plusieurs aumôniers dont les abbés Roux, Rousset, Sirech et Jean-Baptiste Martin qui, à lui seul, dément l'idée communément admise selon laquelle l'érudition ecclésiastique serait une affaire de notable plus que d'homme d'action. Même si leur part dans les études locales ne cesse de croître à l'époque contemporaine, il faut attendre l'entre-deux-guerres pour que les ecclésiastiques accèdent à la vice-présidence puis à présidence de la Société .

    Avant d'acquérir le caractère rigoureusement scientifique des études chartistes et des travaux universitaires, c'est bien l'idée de continuité entre les siècles qui anime nombre d'investigations sur l'histoire de l'Eglise qui, au lendemain des événements révolutionnaires, réunit les matériaux de son passé sur fond de reconstruction religieuse. Mais écrire une histoire bimillénaire en sondant les champs immenses dont l’époque contemporaine redécouvrira les fragments épars, relève d’une entreprise utopique que les clercs les plus audacieux ambitionneront de relever, animés d’un zèle passionné qui renouera incidemment avec l’idéal mariste. En accueillant dans ses rangs les figures les plus éminentes de l’érudition ecclésiastique lyonnaise, la Société littéraire sera le témoin privilégié du développement de ces études savantes qui se mettront bientôt au service de la défense religieuse. On saisit dès lors combien cette question revêt une importance majeure dans le diocèse d’Irénée et de Pothin en raison même de la fondation chrétienne des Gaules dont les vestiges fantomatiques entretiennent longtemps toutes les spéculations.

    Philippe Dufieux Docteur de l’École pratique des Hautes Etudes Société historique, archéologique et littéraire de Lyon