D’une revue l’autre

Imprimeurs et érudits lyonnais du XIXe siècle

Si le XVIIIe siècle fut l’époque des académies provinciales, le XIXe fut celui du développement des sociétés savantes tournées, avant toute chose, vers la découverte de l’histoire régionale et locale, celle de la « petite patrie ». Lyon n’échappa point à ce schéma. Deux des plus grands imprimeurs de la ville avaient été académiciens lyonnais au siècle des Lumières : Aimé Delaroche (1715-1801) et Jean-Marie II Bruyset (1749-1817). Ce dernier fut aussi membre de l’Académie de Berlin. Si l’on excepte le cas particulier de Pierre Simon Ballanche (1776-1847), imprimeur à Lyon jusqu’en 1817, date à laquelle il vendit l’atelier familial ─ celui hérité de Delaroche ─ et philosophe parisien qui fut reçu à l’Académie française en 1842, les autres imprimeurs lyonnais qui se sont intéressés à ce mouvement l’ont fait en publiant des ouvrages et des revues d’érudition, préparés au sein des sociétés savantes locales.

Dans un XIXe siècle durant lequel la production imprimée lyonnaise évolua , par rapport à l’époque précédente, pour se spécialiser dans certains secteurs d’excellence tels le livre catholique, la presse périodique, les impressions administratives et commerciales, quelques imprimeurs optèrent donc pour l’histoire de leur ville. Ce faisant, ils rejoignaient les aspirations de ceux de leurs concitoyens qui appartenaient à des sociétés savantes, diverses et plus ou moins « huppées ». Une thèse à soutenir prochainement montrera d’ailleurs comment une société plutôt informelle de bibliophiles lyonnais a joué des compétences professionnelles des uns et des autres pour construire son programme de publications de documents historiques inédits et de réimpressions d’ouvrages anciens.

La Revue du Lyonnais

Plus modestement, nous voudrions évoquer dans ces pages les figures de quelques imprimeurs qui publièrent des revues d’histoire locale, plus ou moins étroitement liées à des sociétés savantes lyonnaises auxquelles ils appartinrent. La plus ancienne, par ordre chronologique, fut la Revue du Lyonnais. Son premier numéro parut en 1835, à l’adresse de l’imprimeur Léon Boitel. Elle s’interrompit en 1848, avec le numéro 28, avant de renaître deux ans plus tard. Le numéro 1 (1850) de la « nouvelle série » portait un titre modifié : Revue du Lyonnais, recueil historique et littéraire. Dans son introduction, Léon Boitel rappelait bien que l’interruption de la parution n’était imputable qu’à la situation politique de 1848 : « aujourd’hui que le calme est revenu […] ». Surtout, à partir de cette date et jusqu’à sa disparition, l’adresse de l’imprimeur-gérant lyonnais se doubla de celle d’un libraire parisien vraisemblablement chargé de la diffusion . Boitel publia la revue jusqu’au numéro 5 de la nouvelle série, daté de 1852, année de son retrait du métier. Léonard Boitel, dit Léon, était né le 27 octobre 1806 à Rive-de-Gier. Fils d’un pharmacien qui l’avait envoyé à Paris pour y apprendre ce métier, il revint à Lyon en 1831 pour se lancer dans… la typographie. En 1833, il racheta l’imprimerie de Claire Joséphine Pelzin, fille d’Alexandre Pelzin, qui l’avait fondée en 1800 avec Drevon. Deux ans plus tard, comme nous l’avons vu, il lançait la Revue du Lyonnais. Son Lyon ancien et moderne, publié en 1838, demeure un monument de la production locale du XIXe siècle, et lança à Lyon la mode de la gravure romantique sur bois de bout.

A partir de 1838 d’ailleurs, certains des bois du Lyon ancien et moderne furent utilisés pour la Revue du Lyonnais. Les contrecoups de la Révolution de 1848, et des difficultés financières, amenèrent Boitel à envisager de se défaire de son atelier. Il le vendit à Aimé Vingtrinier le 1er juillet 1852. Le célèbre imprimeur Louis Perrin, ami des deux hommes et parfois mis à contribution par Boitel pour des impressions lithographiques destinées à la revue, joua un rôle important dans cette tractation. Entretemps, Boitel avait obtenu un poste d’inspecteur de la navigation du Rhône. Un mois plus tard, le 2 août 1852, il se noyait dans le fleuve, à l’occasion d’une baignade à Irigny, où il possédait une maison de campagne.

A compter du tome VI, daté de 1853, la revue parut toujours à la même adresse, 36 quai Saint-Antoine, mais sous le nom d’Aimé Vingtrinier, et ce jusqu’au tome 31 de 1865. L’année suivante, Vingtrinier, qui s’était installé rue Belle-Cordière, lançait le premier numéro d’une « troisième série », toujours sous le même titre qu’en 1850. Ce tome s’ouvrait par un portrait de profil, en frontispice, de « Léon Boitel fondateur de la Revue du Lyonnais » gravé par Sevin d’après le médaillon de Brun. Cette troisième série compta vingt numéros jusqu’en 1875. L’année suivante, Vingtrinier lançait une « quatrième série » qui devait compter neuf numéros jusqu’en 1880. Entretemps, Vingtrinier avait déménagé au 4 quai des Célestins en 1876, puis au 32 rue Neuve en 1879.

Aimé Vingtriner est sans doute aujourd’hui l’un des personnages les plus connus évoqués dans ces pages. Son Histoire de l’imprimerie à Lyon de l’origine jusqu’à nos jours, publiée en 1894 sur les presses de Storck, bien que partielle et dépassée, n’a pas été remplacée. Il a été redécouvert récemment à l’occasion d’un colloque qui lui fut consacré, et dans les Actes duquel Noëlle Chiron-Dorey a magistralement évoqué son action à la tête de la Revue du lyonnais . Né à Lyon le 31 juillet 1812, mort dans cette même ville le 8 avril 1903, il a la particularité d’avoir mené deux carrières : l’une de bibliothécaire, l’autre d’imprimeur. Il fut en effet le bibliothécaire de la Société littéraire, historique et archéologique de Lyon, qui l’avait reçu en son sein en 1841. Il fut surtout le bibliothécaire de Jean-Antoine-Louis Coste, dont il rédigea en quatre ans le catalogue publié en 1853. Il joua un rôle important dans l’achat de cette collection par la Ville de Lyon. Il fut, enfin, à partir de décembre 1874 et alors qu’il était encore imprimeur, bibliothécaire-adjoint de la Bibliothèque municipale de Lyon, avant d’en prendre la tête en 1882, à l’âge de 70 ans. Comme nous l’avons vu, il avait racheté l’imprimerie de Boitel le 1er juillet 1852, et de ce fait était devenu l’éditeur de la Revue du Lyonnais, dont il avait été un collaborateur depuis 1847. Il sut moderniser son atelier, remplaçant les presses à bras par des presses mécaniques, et en faire en quelques années le second en importance de la place. Il lança aussi le Courrier de Lyon, journal quotidien. Il prit sa retraite en 1876, mais continua de diriger la revue comme éditeur et directeur de la publication jusqu’en 1880, date à laquelle il assura l’intérim de la direction de la Bibliothèque municipale.

De la littérature à l’histoire

Alors que la revue de Boitel était plutôt littéraire, celle de Vingtrinier prit un tour davantage historique. Ce dernier sut jouer de la collaboration avec les diverses sociétés savantes lyonnaises auxquelles il appartenait, tout à la fois pour se constituer un groupe d’auteurs et pour fidéliser une clientèle d’abonnés. C’est ainsi qu’à partir de 1855 la Revue du Lyonnais publia les communications faites à l’Académie de Lyon. Il fit de même, à partir de 1856, avec la Société littéraire puis avec la Société d’architecture. A partir du moment où Vingtrinier eut des responsabilités directoriales à la Bibliothèque municipale, la Revue du Lyonnais connut une éclipse de quelques années. En effet, le 1er janvier 1881 paraissait le numéro 1 d’un nouveau périodique (ou du même rebaptisé !) intitulé La Revue lyonnaise. Le directeur en était un certain François Collet, dont le nom disparaît à partir de 1885. La rédaction et les bureaux étaient alors installés au 79 de la place des Jacobins. Elle était distribuée à Paris par E. Dentu, à Genève et à Bâle par H. Georg. Son premier imprimeur fut François Pitrat Aîné, dont l’atelier était au 4 de la rue Gentil. François Pitrat naquit à Lyon le 8 janvier 1818, et mourut le 11 octobre 1893 à La-Tour-de-Salvagny. Il était le fils de Claude-Théodore Pitrat (1786-1868), libraire en 1810 puis imprimeur en 1815, légitimiste notoire qui lança plusieurs journaux, fut condamné à quinze mois de prison en 1833 pour délit de presse, et se retira en 1841 pour s’installer chez l’un de ses fils à Paris. Pour sa part, François avait d’abord travaillé dans l’atelier paternel avant de le diriger. En 1844, il partit à Paris, travailla chez Lacrampe puis Raçon, et revint à Lyon en 1865 chez Simon Barret, héritier d’une dynastie d’imprimeurs de l’Ancien Régime. L’année suivante, il reprenait l’atelier de ce dernier à son nom, devenant ainsi le successeur des Barret, mais aussi celui de Delaroche et des Ballanche. Il dirigea cet atelier jusqu’en 1891, date à laquelle il le passa à Alexandre Rey.

A partir du numéro de janvier-juin 1885, la Revue lyonnaise n’affichait plus qu’un nom et une adresse : « Imprimerie de Mougin-Rusand, éditeur, 3 rue Stella ». Le numéro suivant, juillet-décembre 1885, tome 10, fut le dernier à paraître sous ce titre. En effet, Mougin-Rusand lançait, pour 1886, une « cinquième série » de la Revue du Lyonnais : Recueil historique et littéraire. De fait, derrière Mougin-Rusand s’activait un groupe de douze copropriétaires au nombre desquels Léon Galle qui, progressivement racheta les parts de ses collègues.

Benoît-Paul Mougin-Rusand, né à Lyon le 22 août 1838 et décédé le 29 août 1897 à La-Tour- de-Salvagny, était le fils d’Adolphe-Julien François Mougin qui avait lui-même succédé comme imprimeur à son beau-père, Mathieu-Placide Rusand, imprimeur légitimiste du premier tiers du siècle. En 1894, il avait été reçu membre de la Société littéraire de Lyon dont il était l’imprimeur depuis vingt ans. Après sa mort, survenue en 1897, sa veuve, Marie-Thérèse Béguin (1844-1931), lui succéda durant quelques mois avant de céder l’entreprise, en 1899, à Paul-Octave Waltener. C’est ce qui explique la disparition du patronyme Mougin-Rusand sur la page de titre de la revue qui, à compter du tome 27 de 1899, ne porta plus que la mention suivante : « Lyon, aux bureaux de la Revue du Lyonnais, 3 rue Stella ». Cette cinquième série s’acheva avec le numéro 32 de 1901. Waltener avait d’autres centres d’intérêt, et son atelier périclita assez rapidement. Mais la revue avait elle-même un grave handicap, celui de sa clientèle limitée à un petit milieu de membres de sociétés savantes qui, pour nombre d’entre eux, étaient à la fois auteurs occasionnels et lecteurs réguliers. De 1886 à 1901, le nombre des abonnés ne cessa de se restreindre : 203 en 1886, 170 en 1890, 126 en 1897… Cette situation conduisit à un véritable « étranglement » de la revue.

La Revue d’histoire de Lyon

Entre 1902 et 1914 parut, sous la direction de l’universitaire Sébastien Charléty, un nouveau périodique : la Revue d’histoire de Lyon : études, documents, bibliographie. Elle était imprimée sur les presses d’Alexandre Rey et Cie, successeur de François Pitrat au 4 de la rue Gentil. La guerre mit un terme à cette publication. Alexandre Rey naquit à Lyon le 23 septembre 1854, et décéda en cette ville le 24 décembre 1921. Il apprit son métier dans les ateliers parisiens de Lahure, dont il devint le prote, puis de Dalloz, avant de se voir proposer l’imprimerie du sénat, qu’il dirigea durant huit ans. De retour à Lyon en 1891, pour succéder à François Pitrat, il se trouva à la tête d’un atelier déjà deux fois centenaire car créé en 1682, et qui existe toujours … bien qu’il ait quelque peu oublié son passé ! Sa maison, qui publia la Bibliographie lyonnaise de Baudrier, devint très vite à la mode. La Revue d’histoire de Lyon, qu’il publia de 1902 à la Première Guerre mondiale, au contenu jugé trop universitaire, n’eut cependant pas le succès de sa devancière.

Cette dernière reparut de 1921 à 1924, sous la forme d’une « nouvelle série » trimestrielle, la sixième de son histoire. Son imprimeur-gérant était Marius Audin, installé au 3 de la rue Davout, aujourd’hui rebaptisée à son nom. Il était assisté d’Eugène Vial, et bénéficia de la collaboration d’Henri Focillon.

Tout comme Aimé Vingtrinier, Marius Audin l’est un de ces imprimeurs lyonnais récents qui mériteraient une biographie . Grand professionnel autodidacte, il est aujourd’hui également connu pour ses travaux d’histoire de l’imprimerie. Né en 1872 dans une famille de paysans de Beaujeu, son premier centre d’intérêt fut la botanique. En 1892, il était établi à Lyon comme commis-greffier du Tribunal de commerce, poste qu’il occupa jusqu’en 1905. Il commença alors à s’intéresser aux recherches bibliographiques. En 1906, l’imprimeur Alexandre Rey, juge à ce tribunal, lui confia la direction de la Gazette judiciaire. Dès lors, il découvrit le monde de l’imprimerie. En 1910, il reprenait un journal concurrent, les Petites Affiches. En 1918, il créait son propre atelier, l’imprimerie des Deux-Collines, qui devait marquer l’entre-deux-guerres par son approche novatrice des arts graphiques et par le recours aux caractères « Inkunabula » de la fonderie turinoise Nebiolo.

Parallèlement à son labeur d’imprimeur, Marius Audin se lança très vite dans un monumental travail d’histoire de son art, publiant articles et ouvrages, et entreprenant une Somme typographique qui devait compter vingt volumes. Seuls deux d’entre eux furent publiés à partir de 1947. Le tome sixième, consacré aux imprimeurs-libraires lyonnais des XVIIIe et XIXe siècles, vient d’être mis en ligne sur le site du musée de l’Imprimerie. Ce dernier a acquis, en 1989, les archives de l’atelier Audin, et en particulier ses manuscrits inédits. Marius Audin mourut à Lyon en 1951. Ses deux fils Maurice et Amable avaient repris le flambeau. Maurice fut l’un des créateurs du musée de l’Imprimerie de Lyon, avec Henri-Jean Martin.

Changements d’appellation

En évoquant l’histoire des publications de ce cénacle savant, on ne s’étonnera pas de voir réapparaître un certain nombre d’imprimeurs rencontrés précédemment. La Société aujourd’hui appelée « historique, archéologique et littéraire de Lyon » a une histoire complexe ponctuée de changements d’appellation. Lors de son apparition, en 1807, elle s’appelait le « Cercle littéraire », et se voulait l’héritière des anciennes académies de Fourvière et de la Société Amicitiae et Litteris. Son premier organe parut en 1847 seulement, quarante ans après sa création, sous le titre Archives de la Société littéraire de Lyon. L’introduction au premier numéro nous donne quelques informations sur les débuts de la compagnie : « […] Ses premiers pas furent timides […] ses réunions étaient périodiques, mais pour ainsi dire secrètes et privées, et le lieu de ses séances variait fréquemment ; elle n’acquit enfin toute la consistance qu’elle devait avoir, que lorsqu’ayant obtenu l’autorisation officielle, elle passa du salon de M. Ballanche au Palais des Arts, où elle siège depuis plus de trente ans […] »

Avant la parution de ce premier numéro des Archives de la Société littéraire de Lyon, celle-ci n’avait publié que des statuts, quelques rapports, et un Catalogue des Lyonnais dignes de mémoire rédigé par Bréghot du Lut et Péricaud l’aîné. Leurs imprimeurs avaient été Pierre-Simon Ballanche, Jean-Baptiste Kindelem, Mathieu-Placide Rusand et Léon Boitel. Certains des textes lus dans ses séances avaient, pour leur part, trouvé à être publiés dans les périodiques existants, dont la Revue du Lyonnais. L’introduction, déjà citée, à ce premier numéro pouvait annoncer : « […] mais elle ne possédait point, comme la plupart des autres corps littéraires et scientifiques, un recueil à elle, spécialement destiné à faire connaître et à conserver ses travaux. Elle a pensé qu’enfin le moment était venu de remplir ce vide, d’acquitter cette dette […] »

A ce moment charnière de son existence, la Société pouvait revendiquer la figure tutélaire de Pierre-Simon Ballanche, qui mourut précisément en cette année 1847. Le célèbre imprimeur et philosophe avait été membre titulaire de 1808 à 1820, secrétaire adjoint en 1811-1812, puis membre correspondant, après son départ à Paris, de 1820 à son trépas. Elle comptait aussi dans ses rangs deux imprimeurs déjà évoqués : Léon Boitel et Aimé Vingtrinier.

Mais cette première tentative de se donner une revue n’a pas été couronnée de succès. Le « premier numéro » de 1847 semble bien avoir été unique. C’est le seul que nous ayons trouvé dans les collections publiques. Pour sa part, la Bibliothèque nationale de France ne possède que ce seul numéro, et la notice de la revue au Catalogue des périodiques donne, pour sa durée de vie, la mention suivante qui se passe de commentaire : « 1847-18 ?? ». Sa page de titre portait l’adresse de « Guilbert et Dorier, éditeurs, rue Puits-Gaillot, 3 », personnages dont nous ne savons rien. En revanche, le numéro comporte un achevé d’imprimer de Louis Perrin (1799-1865), l’une des plus grandes figures de l’imprimerie lyonnaise du XIXe siècle, le créateur des « caractères augustaux », qui avait commencé sa carrière comme commis chez Mathieu-Placide Rusand. Louis-Benoît Perrin est trop connu pour qu’on insiste ici davantage !

Une seconde tentative, plus réussie, intervint en 1861. Aimé Vingtrinier, sociétaire depuis vingt ans, faisait paraître, pour les années 1858-1860, des Publications de la Société littéraire de Lyon. En 1862, elles devenaient Mémoires de la Société littéraire de Lyon, puis en 1867, Mémoires de la Société littéraire : littérature, histoire, archéologie, et enfin en 1870, Mémoires de la Société littéraire, historique et archéologique de Lyon, titre qui devait perdurer jusqu’en 1903. Aimé Vingtrinier en assura l’impression jusqu’à son retrait du métier en 1876. Le relais fut pris par le libraire Auguste Brun installé 13 rue du Plat, et un imprimeur lui aussi déjà rencontré : Benoît-Paul Mougin-Rusand, qui fut reçu dans la Société en 1894, et en fut trésorier en 1896-1897, année de sa mort. Pourtant, et à la différence de la Revue du Lyonnais, son nom continua d’apparaître sur les pages de titre jusqu’au numéro des années 1898-1902, sorti des presses en 1903. Le décès de Mougin-Rusand, le bref passage et les difficultés de son successeur Waltener furent l’occasion pour l’érudit Léon Galle de reprendre les rênes de la publication. Celle-ci changea une nouvelle fois de titre, pour devenir le Bulletin de la Société littéraire, historique et archéologique de Lyon, paraissant à ses débuts sous forme de fascicules théoriquement trimestriels à partir de 1904. Pour la première fois depuis sa création, la revue fut imprimée hors de Lyon, chez Jeannin à Trévoux, et ce jusqu’au numéro des années 1916-1917. A partir du numéro suivant, 1918-1921, et jusqu’à celui de 1937-1939 publié en 1941, l’impression se fit sur les presses de Marius Audin, membre de la Société depuis 1909 et par ailleurs académicien lyonnais.

Un maquis éditorial complexe

Un nouveau changement de titre intervint en 1950, en intervertissant l’ordre des adjectifs caractérisant la Société, ce qui traduisait de nouvelles orientations, et le recul du caractère littéraire au profit du travail historique, au moment-même où apparaissait un nouvel éditeur : les Archives départementales pour le premier numéro, puis les Archives municipales à compter du deuxième, et ce jusqu’à aujourd’hui. La revue devenait le Bulletin de la Société historique, archéologique et littéraire de Lyon. A partir du numéro des années 1945-1949, paru en 1950, et relevant encore de la série précédente, jusqu’au dernier numéro de la présente série sorti des presses en 1964 pour les années 1957-1962, l’achevé d’imprimer fut au nom des deux frères Maurice et Amable Audin, qui avaient succédé à leur père, ou plus simplement encore « imprimerie Audin ». Les deux fils Audin appartenaient, à la suite de Marius, à la Société.

Après une interruption d’un peu moins de trente ans, la revue de la Société, portant toujours son dernier intitulé, reparut en 1992, et vit encore aujourd’hui. Nous n’en évoquerons pas les imprimeurs qui, à la différence de la période que nous avons étudiée dans ces pages, ne sont que de simples prestataires de service et ne sont plus impliqués dans la vie des sociétés savantes.

Cette rapide évocation d’un maquis éditorial complexe nous aura prouvé que la publication d’ouvrages d’histoire locale, l’un des créneaux de l’imprimerie lyonnaise du XIXe siècle, n’était pas pour ceux qui s’y lancèrent une simple opération technique et commerciale. Qu’il se soit agi de revues régionalistes ou de revues de sociétés savantes, certains imprimeurs lyonnais ont su s’impliquer au-delà de la seule rigueur professionnelle, y compris quand leur production rencontrait des problèmes de débouchés. La Monarchie de Juillet fut pour cette production une époque importante, avec la fondation de la Revue du Lyonnais en 1835, et le premier essai de revue de la Société historique. Des personnages de la trempe d’un Boitel, d’un Vingtrinier, d’un Audin, pour ne s’en tenir qu’à eux, ne se sont pas cantonnés au travail à la presse, mais se sont aussi impliqués dans le mouvement d’émulation, y acceptant des responsabilités, y proposant des communications, et y mettant leurs compétences professionnelles au service de la cause. La Société historique de Lyon peut, à juste titre, s’enorgueillir de les avoir accueillis en son sein. Ils ont amplement contribué à son renom. Par certains aspects, et toutes proportions gardées, ils rappellent les « académies » qui avaient pu se développer autour des presses de leurs grands ancêtres, les Alde, Gryphe, Estienne, Froben, Plantin...