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368 LA REVUE LYONNAISE quelle est l'action principale du drame de M. Coppée. Est-ce le mariage de Mme de Maintenon, est-ce la lutte des protestants contre le roi? Une rapide analyse delà pièce mettra ce défaut en évidence mieux que tout ce qu'on pourrait dire. Le prologue nous présente Françoise d'Aubignê dans cet humble logis du tarais où Scarron recevait la cour et la ville ; mais, en réalité, ces brillants visiteurs venaient au prix d'aumônes plus ou moins déguisées-, jouir delà gaieté du pcète et s'amuser du cynisme du libertin. Françoise soutire de cette vie mesquine et sans dignité; elle fait, en termes un peu durs, son procès au pamre cul-de-jatte, et ce n'est qu'après avoir bien exhalé son aigreur qu'elle daigne se souvenir que le « bouffon à la mode » l'a sauvée de la faim et du cloître. On éprouve un sentiment de gêne à l'entendre parler ainsi, et cette impression pénible augmente quand un compagnon de son enfance, un jeune huguenot, Antoine de Méran, lui vient déclarer un amour qu'elle soupçonne et qu'elle avoue partager. On ne son- gerait pas à s'étonner que l'épouse d'un mari honoraire, comme Scarron, conservât un tendre sentiment pour l'ami de ses premières années; mais on est choqué de les voir tous deux parler, à mots à peine couverts, de leur union future, et escompter la fin prochaine de l'infirme. En vain disent-ils qu'ils rougiraient d'aller plus loin : déjà ils devraient rougir. 11 eût mieux valu nous laisser deviner que ces idées, ces espérances mêmes, naissent en eux contre leur gré, et non point leur permettre de s'en entretenir. Enfin Antoine, après avoir reçu de Françoise d'Aubignê, comme gage d'amour, un psautier où elle écrit un mot peu compromettant, part pour l'Amérique où il va chercher fortune. Il emmène avec lui un enfant encore au berceau dont M. Coppée a peut-être eu un instant l'idée de faire le fils de Françoise et du jeune huguenot, mais qu'il s'est borné à nous donner comme un frère très cadet de ce dernier. Vingt ans environ se sont écoulés quand le rideau se lève sur le premier acte; nous sommes à Versailles et nous voyons en pleine faveur celle dont la place fut unique, selon l'expression de M"10 de Sévigné, et qui s'appelle dorénavant M1"" de Maintenon. Un jeune homme se présente à la nouvelle marquise : c'est Samuel de Mé- ran, le frère d'Antoine, le vivant portrait de ce dernier mort en Amérique, Il vient accomplir la volonté suprême du défunt, c'est-