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                              M A D A M E DE M A I N T E N O N            369
à-dire remettre à Françoise d'Aubigné le fameux psautier. La
 marquise prend le livre et offre ses services à Samuel; mais celui-ci,
voyant en elle l'inspiratrice des mesures édictés contre les hugue-
nots, refuse et se retire.
   Le second acte nous conduit aux catacombes où nous assistons à
la réunion des principaux chefs du parti protestant. Ils délibèrent
sur les moyeus de résister à la révocation de l'édit de Nantes ; un
envoyé de Guillaume d'Orange est introduit, qui offre l'appui de son
maître, moyennant certaines concessions peu compalibles avec
l'honneur et la sûreté de la France. Les avis sont partagés; tout
porte à croire que les propositions vont être acceptées. On demande
si personne n'a plus rien à dire, et alors, Samuel sortant de la foule,
où jusque-là il s'était tenu silencieux, s'écrie :

                                                   Si ! moi !
              Moi, qui bien que nouveau venu parmi mes frères,
              Oserai prononcer des paroles sévères :
               Car je ne comprends pas comment cet homme a pu
              Vous parler si longtemps sans être interrompu ;
              Car, dans ce moment-ci, le rouge au front me monte ;
              Car je le vois encor vous proposer sans honte,
              A vous chrétiens, à vous nobles, à vous soldats,
              L'or affreux qui frémit dans la main de Judas !
              Courage !... Suivrez-vous jusqu'au bout cet exemple?
              Cet or cent fois maudit qu'il jeta dans le temple
              Quand le fou du remords enfin le consuma,
              Et dont on a payé le champ d'Accldama,
              Fermerez-vous sur lui votre main mercenaire ?
              11 a vendu son Dieu : vendrez-vous votre mère ?
              Ah ! vraiment, cela trouble et passe la raison,
              Pour sa croyance avoir supporté la prison,
              L'amende, les excès brutaux des garnisaires,
              P a r avance accepté l'exil et ses misères,
              Et coupé son bâton déjà pour le chemin ;
              Puis, au dernier moment, et touchant de la main
              La palme du martyre aux champs du ciel fleurie,
              Se laisser proposer de livrer sa patrie !
              C'est impossible ! non, la rage des partis
              Ne peut pas vous avoir à ce point pervertis ;
              Je ne crois pas qu'aucun d'entre vous se décide
              A commettre ce lâche et cruel parricide !
              Vous êtes des Français et vous en souviendrez !
              Si vous accomplissez ce crime, ô conjurés !
              Si vous abandonnez ce sacré territoire

   MAI   18SI ---   T.   I.                                          24