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MADAME DE MAINTENON 3:37 ment, bien que nous sachions d'avance comment le drame doit finir, notre intérêt ne languit pas. Si l'auteur sait son métier, il nous passionne pour les entreprises et les efforts des personnages luttant contre ce dénouement. Dans les Mousquetaires, nous voyons les quatre héros faire des prodiges d'habileté et de hardiesse pour sauver Charles I er ; nous savons certes bien que le roi sera exécuté. Dumas lui-même, ce grand oseur, n'oserait feindre l'éva- sion de l'époux d'Henriette de France: mais tel est notre désir de le voir échapper à ses ennemis que nous partageons de toute notre âme les espérances, les anxiétés, les efforts de ses généreux défenseurs. Le poète doit donc agir de telle sorte que nous désirions ou que nous redoutions le dénouement de son drame, et le triomphe sera d'autant plus grand que la crainte ou l'espérance sera plus vive- ment excitée. ' Dans Madame de Maintenon, il s'agit de savoir si le roi épousera, ou non, Françoise d'Aubigné. Ce mariage conclu, le spectateur s'en va-t-il satisfait ou triste- ment impressionné? Ni l'un ni l'autre. J'estime qu'il s'éloigne indifférent, ce qui est peut-être le pire résultat pour un auteur dramatique. Les quelques lignes de M. Lavallée que j'ai citées au début de cet article ont montré que la veuve Scarron de l'histoire n'avait guère ce qu'il faut pour intéresser le public du théâtre. Rien de ce qu'on peut invoquer en sa faveur ou contre elle n'est pour nous émouvoir beaucoup. M. Coppée, usant de ces libertés que je rap- pelais tout à l'heure, aurait peut-être pu imaginer dans la vie de M",c de Maintenon je ne sais quel incident qui donnât à son héroïne la force dramatique. S'il y a songé un instant, ce qui est possible, au moins ne s'en aperçoit-on plus ; M"10 de Maintenon, telle qu'il nous la montre, n'est pas un personnage de théâtre : c'est à coup sûr un personnage historique. Mais, et c'est là un axiome répété en matière dramatique, la vérité historique n'est pas toujours la vérité théâtrale. Donc la première des qualités fait défaut, l'intérêt. Cela provient tout d'abord du caractère, cela provient'ensuite de la contexture du drame. L'unité si nécessaire à une œuvre dramatique où tout doit con- courir à un seul et même but, l'unité manque aussi. On se demande