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L ' É C O L K LYONNAIS]'. l6j la première fois, en français, que l'on consacrait au déve- loppement d'un seul thème tout un long poème, lequel, s'il s'était inspiré du (Jan~oniere de Pétrarque, en différait toutefois par ce point capital qu'il ne s'était pas formé successivement, au cours du temps et de la vie, mais d'un seul coup, comme une œuvre d'art, et qu'ainsi la seule apparence en manifestait l'intention esthétique. Ils y trouvaient autre chose encore, et c'était cette manière de transformer en un idéal qui le dépassait lui-même la réalité d'un amour vécu. Délie, en devenant ridée, ne cessait pas d'être Délie; on la sentait vivante, on la devinait aimée, passionnément désirée dans les vers du poète; et c'était le symbole qui remplaçait enfin l'allégorie. S'il n'y a de science que du général, il n'y a peut-être de grande poésie que de l'universel; et Marot ne s'en était pas rendu compte, ni ses disciples, — Mellin de Saint-Gclais, Héroét, la Borderie, — mais Maurice Scève l'avait compris : Toute douceur d'amour est détrempée De fiel amer et de mortel venin ; ou encore, et pour exprimer cette idée que rien ne meurt que pour renaître : Quand sur la nuit le jour vient à mourir Le soir d'ici est aube à l'antipode. C'étaient de ces vers que les poètes de la Pléiade mettront entre guillemet, « », pour attirer l'attention du lecteur sur ce qu'ils enveloppent de signification générale. Et, faute d'avoir pris comme eux cette précaution, si on leur eût dit que Scève était quelquefois difficile à comprendre, je crains qu'ils n'eussent répondu qu'aucun mérite en lui ne leur plaisait davantage ; n'était plus con- forme à la définition du poète ; et ne pouvait plus heureu-