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38                      LE NUMÉRO 2 1

hommes, qui n'aient, une fois au moins, invoqué la mort
et ne vous aient supplié de les rappeler du nombre des
vivants. Ce n'est donc pas à nous de condamner le malheu-
reux qui fait un pas au-devant de la mort et qui, manquant
de foi et de courage, devance l'appel du Maître.


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   Les heures s'étaient écoulées. Lentement chacune d'elles
avaient tinté au beffroi de la cathédrale, s'égrenant dans l'es-
pace et couvrant les voix mystérieuses de la nuit. Il était un
peu plus de trois heures, et je devais prendre le train à cinq
heures et demie. Soudain un bruit lointain de voiture fait
résonner le pavé de la ville endormie : c'est l'omnibus de
l'hôtel, ramenant de la gare les voyageurs arrivés par le
train de Lyon.
   Quelques minutes après, j'entends dans le corridor des
pas assourdis par les paillassons. Une porte s'ouvre, et des
voyageurs sont introduits à côté de moi, au numéro 21 :
 « O mon ami, murmure une voix de femme se dirigeant
vers la fenêtre, entrebaillée ainsi qu'il est d'usage dans les
chambres d'hôtel non occupées, c'est charmant ici. Voyez
donc ; nous avons la rivière sous nos yeux et, tout là-bas
des prairies avec des arbres. »
   Mes nouveaux voisins s'étaient avancés sur le balcon.
D'un brusque mouvement, je me jette en arrière de ma
fenêtre, mais j'avais eu le temps de les apercevoir. C'est
un jeune couple : lui, tout barbu, le collet de son pardessus
relevé, elle, emmitouflée d'une longue pelisse, les cheveux
 un peu à la diable, montrant par endroits les restes d'une
 coiffure de la veille, savamment ordonnée.