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330            UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES.

 je puis tromper quelqu'un pendant le temps qu'il me plaît,
 me réservant l'heure où je jette loin de moi un jouet de-
 venu insipide !
       E t tout eu feignant d'être convaincue, elle observait en
 silence et sentait chaque jour s'élever davantage cette
 barrière d'incompatibilité qui s'était dressée dans son âme
 Mais chaque jour aussi la grossesse d'Herminia se déve-
 loppait et les préoccupati ms de la pauvre comtesse pour
 l'enfant de son fils remplissaient si bien son cœur que nul
 autre sentiment n'y trouvait place. Herminia était deve-
 nue maîtresse absolue d'elle-même. Elle mangeait, dor-
 mait, parlait à sa g'uise et sans contrainte; sa paresse lui
faisait porter des vêtements hideux de saleté, négliger sa
 personne au point d'être repoussante, on ne se permettait
 plus de la contrarier par une remontrance, un g-este, uu
 coup d'oeil. Ses caprices étaient respecies quels qu'ils fus-
 sent, car, à tous, Wilhelmine répondait.
      — Attendons qu'elle soit délivrée, mon ami. Qui sait
le mal que pourrait causer au petit la moindre observation
 avec le caractère sulfureux de la mère !
      Ce fut cette espérance intime, cette crainte incessante
qui fît décider le retour à Chirimayo. Au moment de son
 départ, Rodolphe avait dit à sa mère :
      —' Ma force est à bout, pauvre mère ! Dieu m'a cruel-
lement puni d'avoir tenté sa Providence. Mon cœur, mon
 esprit, mon énergie plient sous le poids du lien auquel
j ' a i rivé mon avenir. Pour moi l'épreuve est complète et,
si j'étais libre, je rendrais à ses parents cette créature que
rien ne peut émouvoir ! La vie est longue et le monde est
grand. Je sens qu'ici le désespoir me gag-ne et que votre
affection même est impuissante à m'en préserver. Mais je
sais aussi que je vais être père, je sais que la mort seule
peut rompre le nœud que j ' a i formé et je connais les pieux