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84 UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES. accusaient une préoccupation dont il ne pouvait se défen- dre. La comtesse était abattue, morne comme une victime marchant au sacrifice. Tous ses vagues espoirs d'un empê- chement providentiel s'étaient évanouis sans retour. Dieu, qu'elle avait tant prié, aux pieds de qui tant de larmes avaient brûlé ses yeux, Dieu l'avait abandonnée ! Elle avait demandé un miracle et le miracle ne s'était pas fait! Elle vint donc au bras de M. de Czernyi, sans force pour pleurer, sans force pour feindre. Elle entra dans le salon où attendait la fiancée, la chercha du regard et s'arrêta brusquement. La vue d'Herminia lui avait causé un saisis- sement si vif que son visage s'empourpra et qu'elle ne re- prit contenance que par un effort surhumain. Toutes ses idées étaient bouleversées par le tableau qui se présentait à elle. Au lieu d'une jeune vierge timide, cachant sous les flots de la mousseline l'émotion de son âme; au lieu de cette robe blanche, symbole de la chasteté; au lieu de cette suprême candeur dans laquelle se peint la pureté d'une innocence sans souillure, elle avait devant elie une jeune fille à l'air hautain et résolu. Une robe de satin bleu laissait percer la maigreur de ses formes*, un collier de perles s'enroulait autour de son cou, nul voile n'abri- tait ce front d'où la pudeur semblait avoir disparu. Une expression de victoire animait ses traits, il y avait une secrète exaltation dans ses moindres mouvements, un sentiment de triomphe qui se trahissait malgré elle et for- mait un contraste saisissant avec la figure pâle et boule- versée de Mme de Czernyi. Quand, une heure plus tard, dans le salon du gouverneur général, les jeunes gens prononcèrent la parole sacramentelle qui les unissait à jamais, Wilhelmine ne fut plus maîtresse d'une douleur qui débordait, et sa poitrine se déchira en sanglots con- vulsifs. Herminia en recueillit l'écho, lança un regard hai-