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372                     U(iO FOSCOLO.

qu'ils n'auraient pu se convenir longtemps. N'étaient-ils pas
tous les deux rudes par loyauté, amers et sauvages à force
d'élévation , de douleur et de respect pour leur dignité
d'homme? Un jour Foscolo vit Alfieri errer avec sa pensée"]
sur les bords de l'Arno : il le suivit de l'Å“il et le garda dans i
sa mémoire comme une impérissable émolion.
    Dominé par ses admirations, le jeune enthousiaste fit une
 tragédie à la manière du maître. Il avait dix-neuf ans quand ^
Venise accueillit son Thieste avec une sorte de frénésie. Vint
l'appréciation réfléchie, elle fut moins favorable. Un homme
du caractère de Foscolo ne pouvait que gagner à cette épreuve :
lui-même avait publié une critique sévère de son œuvre.
    Le coup terrible porté a son cœur fut le traité de Campo-
Formio, il n'en guérit jamais. Avec tout ce qui était plus gé-
néreux que politique, il avait espéré que des jours de liberté
de force allaient venger l'Italie de ses longues misères. Ce ne
fut pas l'affranchissement que Venise reçut du vainqueur, ce
fut la servitude étrangère, le joug écrasant et slupide de l'Au- --
triche. Frémissant d'horreur, le jeune poète abandonna son
pays ; il erra quelque temps accablé de son impuissance, en
proie au délire du suicide; enfin, il soulagea son ame en t
écrivant les lettres d'Iacopo Ortis. Tous les tons y abondent : \
c'est une rêverie mélancolique et d'un scepticisme raisonneur <
et inquiet ; c'est un chant solennel et sombre. De loin en '
loin, des tendresses ravissantes, la divinisation de la nature ;
au fond, des découragements qui aboutissent à une conclusion
funèbre : Une femme qui eut les adorations du poète revient
incessamment dans le livre ; mais rarement il trouve pour sa
jeune et charmante beauté vouée aux longs regrets, pour leur
destinée amoureuse frappée de stérilité, la plainte éloquente
que lui arrache l'Italie asservie. A peine son génie s'esl-il at-
 tendri à la chère image, que honteux de ses soupirs il re-
tourne à ses âpres et désolés accents.