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107 par la confidence de son enfant, il veut briser l'engagement qui le lie ; car , quitter la France , c'est consentir au déshon- neur d'Anna. L'industriel veut chercher Élie et parer à l'opprobre : Anna ne lui a-t-elle pas dit qu'elle était perdue? Alors se passa une scène de violence que l'emportement du malheur pouvait seul excuser : impuissant par la pitié, Seve- rin descend à la m e n a c e , et brandissant Gaillot au-dessus du torrent, il se laisse aller à l'idée de l'y précipiter. Les cris du banquier renversent ce projet. Severin va débattre son honneur avec la justice , et le verdict d'acquittement d'un juri ne le fait libre que pour assister à d'autres catastrophes. Hélas! combien tout est changé pour cet h o m m e ! L'usine peut d'un jour à l'autre être revendiquée par Gaillot, et la pauvre Anna se meurt dans une lente agonie. Élie ne paraît plus; Élie n'a pas écrit. Ce que Severin avait redouté ne tarde pas d'avoir lieu : une sentence à la main, les sbires de la loi se présentent, et l'usine se vide, et Severin emporte dans ses bras le corps mourant de sa fille. Quelle main viendra donc à leur secours? Voyez là -bas ce coursier qui vole sur la plaine : il apporte Élie, Élie que l'inquiétude dévore, Élie, qu'une indis- crétion de Dubois a prévenu du danger d'Anna. Oh! mainte- nant ils iront ensemble frapper à la porte d'une humble chau- m i è r e ; ils s'écarteront de Gaillot. Mais cette fois encore le banquier ne les laisse pas dans leur paix : que va-t-il donc leur dire? La séduction découle de sa bouche. Il les caresse ; donc il a besoin d'eux. « Je consens au mariage d'Élie et de votre fille, dit Gaillot à l'induslriel ; vous reprendrez vous-même votre usine, mais laissez-moile temps de liquider vos comptes; retardons tout jusqu'alors. » Ce retour subit peut surprendre ; mais il était évident que Gaillot n'était rien sans Élie , et les malheu- reux se confièrent à l'espérance; la durée de celle-ci fut bien courte. Le docteur Dubois la détruisit d'un m o t , et Severin comprit enfin la pensée de Gaillot : Anna la poitrinaire devait périr au retour du printemps. Certes ce fut une torture bien lente pour le vieillard, que