Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                               108
l'attente de ce moment solennel, où tout ce qui lui restait do
bonheur en la vie allait se séparer de lui. Essayez de c o m -
prendre les déchirements de ce cœur plein de larmes , et qui
cependant s'efforce de sourire aux caresses de la jeune fille.
Anna, dans ses accès fébriles, semble reprendre à l'existence ;
elle croit sentir circuler en elle la vie plus active; elle se sus-
pend aux baisers d'Élie, et veut entraîner tout ce qui l'entoure,
dans son délire. Severin approuve d'un signe tous les projets
d'alliance qui bruissent à son oreille ; mais le malheureux ne
peut plus y croire, car le voile fatal a été soulevé, et ses doutes
meurent empoisonnés. Un signe irrécusable de faiblesse vient à
chaque instant démentir l'énergie morale de la fiancée d'Elie;
les couleurs de la mort s'étendent et se fixent sur ses joues,
jusqu'à ce que tout soit consommé par vin dernier embras-
sement.
   Après les lugubres devoirs rendus à la dépouille de l'ange,
que restail-il à faire aux compagnons d'Anna? En vain de
Beaumonlpresse Severin de l'accepter à sa suite ou de venir se
joindre aux phalanges nouvelles des hommes sociétaires : Se-
verin n'a plus la force de rester près de son usine, ou de mar-
cher avec les êtres d'espérance : «Allez, Élie, dit-il; les âmes
« ulcérées et les vieillards infirmes ne peuvent point combattre
« sous les drapeaux de l'association ; mon découragement arrê-
« lerait vos pas, et votre vue envenimerait ma douleur. Aban-
« donnez celui que la force abandonne. Je quitterai la France;
 « je fuirai le théâtre de mes douleurs ; et loin, bien loin de ces
« lieux , j'attendrai que la mort me délivre. » Puis le vieillard
disparaît derrière la montagne, et de Beaumont l'accompagne
du regard aussi longtemps que son Å“il peut le suivre.
  Je crois avoir rapporté l'exacte autopsie du drame de Sou-
vestre; mais il n'est pas venu dans ma pensée de présenter sa
saisissante couleur et sa vivante parole. Tous les caractères des
personnages créés par l'auteur sont fortement tranchés et
chaudement tracés; les scènes principales, palpitant d'une
énergie vraie et naturellement amenée, ne puisent point leur