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DES APTITUDES. 485 rable collègue m'a précédé dans votre faveur : de l'autre, il a marché sous un drapeau qui n'était pas ie mien. Je serai donc heureux que mes premières paroles devant vous se produisent ainsi sous les auspices de vos souvenirs les plus sympathiques; et puis les académies ne sont-elles pas, sur les terres franches de l'esprit, comme des cités supé- rieures , où, dans les précieuses relations d'une bienveil- lance plus exquise, la loyauté des caraclères recouvre la dissidence des opinions ? Le premier acte de la vie civique de M. Jérôme Morin fut un acle de courage : le patriotisme lui mit les armes a la main en face de l'étranger, et il eut l'honneur de verser de son sang pour la défense de son pays. Ce début présageait sa vie : la carrière militante du journalisme devait attirer cette ardente nature. M. Morin l'embrassa à cette époque de notre histoire contemporaine où la liberté politique était dans les lois autant que dans les mœurs, et il s'en éprit avec cet en- thousiasme de dévoûment qui caractérise la jeunesse et la virilité des âmes. La France libérale d'alors usait, du reste, de ce droit inappréciable avec l'heureuse insouciance du jeune homme qui croit ne pouvoir jamais épuiser un opu- lent héritage ; et M. Morin fut en cela de son temps. A nous, éclairés par une longue et rude expérience, il appartient de dire que ce riche trésor de la vie sociale eût valu d'être administré avec un esprit de conservation plus prévoyante ; car on ne saurait aller impunément contre cette grande loi du monde moral comme du monde physique, qui place la garantie de la jouissance dans sa modération et déduit sa privation de son abus. Il n'entre pas dans mon projet de raconter ces nobles luttes de la pensée succédant aux luttes sanglantes de la force. Pour apprécier dignement ces solennels débats, où