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                   LE CHATEAU DE CARIIXAN.                   379

 tion, tandis que l'ouvrier, installait ma bibliothèque. J'avais
parmi ces légers et inutiles fourneaux, des souvenirs de tous
mes amis d'Angleterre et notamment plusieurs présents
bizarres de lord Naughty. Un soutire de dédain dut glisser
sur mes lèvres, tandis que ma pensée me retraçait l'histoire
de ces futiles reliques d'une vie dont je m'étais si complète-
ment détaché... J'étendis la main qui les tenait, et après un
instant d'hésitation, je les lâchai dans l'espace , en détour-
nant la tête,..
    C'était une révolution dans ma vie, que cet acte si simple
en apparence !
    A dater de ce jour, je n'avais plus d'autre distraction dans
mon pavillon que mes livres ; j'en lisais beaucoup relatifs à la
 profession que mon père voulait me voir embrasser, à ces
grands sujets d'économie publique qui l'intéressent si directe-
ment. Peu à peu le cadre de mes études s'agrandit avec la
nature de mes idées. J'appris à réfléchir après avoir lu.
Souvent, le coude appuyé sur mon balcon, tenant, à la main
un livre à demi-fermé, je me surprenais à songer longuement
à ce que j'y avais lu et bien au-delà. Rien ne féconde la
pensée,comme la pensée elle-même.
    Assez souvent encore, peut-être par l'effet de la répulsion
qu'a l'esprit pour une tension trop prolongée, j'abandonnais
complètement le sujet développé par mon travail, et ma pen-
sée capricieuse errait, à mon insu, sur toute autre chose.
Jamais, pourtant, dans ces moments de rêverie, un sentiment
de regret ou même de plaisir ne s'exhala des quatre années
que j'avais passées à Londres et qui sont aujourd'hui à mes
yeux comme un désert au souvenir du voyageur.
    Cependant, jusque-là, ma vie n'avait eu non plus aucune
portée sérieuse, pendant ce temps que l'on consacre à former
l'esprit et le cœur sous la sévérité des premiers enseigne-
ments. C'était donc de l'avenir que je rêvais, et ces rêves, pour