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                     LETTRES DE F. OZANAM.                       83

 golfierj quelques visites chez M. D. et M. P., tel est le résultat
 de mon action locomotrice.
    Si je croyais que cela pût t'intéresser, je te ferais confidence
 de ceux de mes travaux actuels qui sortent de la sphère juris-
 prudentielle. Je m'occupe d'esquisser à grands traits un tableau
 que je me propose de peindre un jour^ ou plutôt je visite en
 éclaireur novice le pays sur lequel je compte faire avancer un
jour l'armée chétive de mes facultés intellectuelles. Métaphore à
part, je fais pour la Conférence une histoire abrégée des idées
 religieuses dans l'antiquité et déjà la Chine et l'Inde m'ont passé
par les mains. Je découvre de temps à autre des mines im-
menses qui pourront être exploitées plus tard, et cette érudi-
tion, quelque mince qu'elle soit, m'est d'une grande utilité pour
réformer mes idées générales.
    Au reste, le résultat est toujours le même. Toujours après
avoir traversé l'avenue du Sphynx, après avoir parcouru le long
labyrinthe des mythes et des allégories, l'œil découvre au fond
du sanctuaire le génie mystérieux du genre humain qui est la
parole divine.
   Le plaisir me donne assez de courage pour ces sortes de re-
cherches; mais lorsque je dois écrire ma pensée, rédiger mes
sentiments, un grand découragement me saisit ; il faut que le
temps et l'heure me talonnent et alors j'étends mon intelligence
sur la feuille de papier, comme le tableau sur le chevalet; je la
tenaille, je la torture ; je l'allonge au moyen de phrases entre-
lacées, jusqu'à ce qu'elle ait atteint la respectable dimension
d'un chapitre, laquelle est au moins de dix pages.
    Voilà, mon ami, où j'en suis avec moi-même ; de bonne hu-
meur du reste et de santé chancelante ; l'esprit calme, l'estomac
mauvais. Souvent je me gronde, je me boude, mais toujours je
finis par faire la paix avec mon vénérable individu, quoique ce
soit un triste sire.
   Et maintenant, mon cher Ernest, que nos mains s'étreignent
plus fort que jamais, l'avenir est devant nous sombre comme
l'océan,mais immense commelui. Hardis nautonniers, naviguons
dans la même barque et ramons ensemble. Au-dessus de nous, la