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332                   LA REVUE LYONNAISE

en mourant, comme quelquefois le cerf, la consolation d'éventrer
un chien. En sondant bien ma conscience, qu'avais-je fait? J'avais
protégé l'innocence, voilà tout. Depuis quand est-on coupable de
protéger l'innocence?— Sans doute, un président de correction-
nelle m'aurait condamné à une amende, et un président de tribunal
à payer une indemnité au propriétaire du chien. Mais qu'est-ce que
la justice des hommes?

                                *
                               * *

   Toutes ces réflexions philosophiques, si justes, si évidentes,
n'empêchaient point que je n'eusse perdu MUe Hildegarde, et que je
n'en fusse inconsolable.
   J'épanchai mon cœur dans le sein de mon ami Hubert Chassan-
glier, de Marcy-le-Loup (je ne sais si vous le connaissez). Malheu-
reusement Hubert est un puissant chasseur devant l'Éternel, qui a
fouillé tous les bois de la Bresse et des Dombes. Il me déclara que
j'avais commis un crime, rien de moins, et que MUe Hildegarde avait
bien fait.
   Que l'on soit puni d'un crime, puisqu'il y avait crime, ce n'est
que justice. Mais ici la punition me semblait disproportionnée. —
Ah ! j'aurais donné de mon sang pour ressusciter Ravageot!

                                * *

   Mon oncle Cadet, dans son incommensurable bonté, tâchait de
me consoler de ma maladresse. Il m'expliquait combien il était
heureux que je n'eusse pas tué M. de Richepertuis lui-même, et il
s'occupait d'ores et déjà de me chercher un nouveau beau-père,
qui, ne chassant pas, ne m'exposerait pas à ce malheur. Mais
Calypso après le départ d'Ulysse n'eût fait que blanchir auprès de
moi. Il me semblait qu'il n'y avait qu'une femme au monde, et je
déclarai à mon oncle que je porterais éternellement le deuil d'un
veuvage anticipé.
   Nous revînmes à Lyon fort déconfits, comme bien pensez,