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LE PETIT-TRIANON 22} Au début du règne de Louis XVI, les jardins français ont cessé de plaire, et la vogue est aux jardins anglais. On devrait plutôt dire : aux jardins anglo-chinois, car les lettres des missionnaires étaient venues révéler que ce n'était pas seulement en Angleterre, mais aussi en Chine, qu'on préférait à un tracé trop régulier et trop symé- trique un tracé plus libre, conservant ou reproduisant les formes et les accidents du terrain. Le Petit-Trianon devait forcément subir le contre-coup de la mode. Il eut son jardin anglais, qui se substitua, au prix de bien des bouleversements, à l'ancien jardin français. La deuxième partie du livre de M. Desjardins est peut-être la plus curieuse de toutes. C'est à coup sûr la plus pleine de faits, et celle dont il est le plus difficile de donner une idée même som- maire. L'histoire du Petit-Trianon résume, en effet, l'existence entière de Marie-Antoinette. C'est là qu'elle vécut le plus habituellement, là qu'elle manifesta de la façon la plus ouverte son dédain de l'éti- quette ; tendance regrettable, car, si elle se fût conformée aux habi-» tudes des reines qui l'avaient précédée, ses moindres actes auraient eu de nombreux témoins, et bien des accusations, ridicules ou odieuses, n'auraient pu trouver créance un seul instant. M. Desjar- dins a fait un tableau très complet et très vivant de cette succession presque ininterrompue de fêtes, de réceptions, de divertissements de tout genre, qui constituent la chronique de Trianon. Il y a là des chapitres absolument neufs sur les représentations dramatiques, auxquelles la reine aimait à prendre part en qualité d'actrice, — sur sa société intime, souvent mal choisie, et qui ne pouvait que la compromettre, sans la servir. Les fêtes de jour alternaient, à Trianon, avec les fêtes de nuit. L'une de celles-ci fut marquée par un incident qui se rattache à l'un des événements les plus fâcheux du règne de Louis XVI, au procès du collier. Les fêtes de nuit étaient réservées à un petit nombre d'invités privilégiés, et c'était une grande faveur que de pouvoir y assister. Le cardinal de Rohan, tombé en disgrâce, à cause de sa conduite à Vienne et de l'opposition qu'il avait faite à l'alliance autrichienne, voulut jouir d'un spectacle auquel il n'était jamais