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FRANÇOIS COPPÉE ET SES ŒUVRES 249 Il est tout simple qu'il en soit ainsi. Un âge de transition, comme le nôtre, ne saurait voir éclore une grande école de poésie tragique. L'humanité traversant les siècles avec son cortège de misères, de passions et de ridicules, la comédie trouve toujours une ample mois- son. La forme peut être défectueuse : c'est le fabliau ou la sotie à la place des immortelles figures créées par un Molière, des fines et minutieuses analyses d'uu Marivaux, ou des vers brillants et spiri- tuels d'un Emile Augier. Mais c'est toujours la comédie. La tragédie, au contraire, ou le drame, une même chose sous deux noms divers, tient dans les sociétés avancées la place réservée à la poésie épique dans les sociétés primitives; c'est la forme la plus grande de la poésie, la plus haute incarnation du génie national. Elle représente l'idéal tel que le peut concevoir une société qui se croit fermement assise, qui a conscience de cette fixité relative, qu'à certains moments de l'histoire, la Providence semble accorder aux peuples et aux insti- tutions. C'est l'épanouissement le plus complet d'une littérature au sein d'une société déjà mûrie, parce que la tragédie participe à tous lea privilèges des autres genres les plus élevés. Elle peut faire place, comme la poésie lyrique, aux effusions les plus personnelles, les plus intimes de l'âme du poète; et elle crée, comme l'épopée, des types vivants, des figures animées, populaires, dans lesquelles toute une génération se plaît à reconnaître son image. L'apparition de la tragédie sous une forme originale, profondément nationale, est donc comme un splendide instant de récolte qui suppose de longues saisons de préparation; c'est un magnifique jour d'été après les pluies et les neiges de l'hiver et les promesses parfois trompeuses du printemps. C'est une société qui se peint dans les héros qu'elle pré- fère, qui leur donne les attributs qu'elle-même possède, qui les voit tels qu'elle rêve d'être elle-même, dans ses meilleures aspirations, dans la plus noble expression de ses croyances religieuses, morales, patriotiques. Rien de tout cela ne saurait exister dans une société troublée, dans un état mal défini, dans la confusion d'une lutte où un passé qui s'écroule et un avenir encore incertain donnent au pré- sent l'apparence du chaos. Dans de telles circonstances, le théâtre tragique est condamné à suivre les errements de la civilisation qui