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250 LA REVUE LYONNAISE précède. Il peut modifier quelques détails, combiner quelques inno- vations; mais il est nécessairement dépourvu de la grande puissance créatrice. Nos faiseurs de drame l'ont bien prouvé par leur exemple. Après s'être beaucoup agités, après avoir ajouté quelques décors, fait défiler quelques cortèges, demandé à l'archéologie quelques costumes à substituer à la toge romaine, ils sont rentrés en définitive dans la voie tracée par nos grands écrivains du xvn e siècle. Ils ont emprunté à l'Allemagne ou à l'Angleterre la tradition d'une action plus large; mais leur fameuse liberté n'est qu'une faculté plus éten- due d'aller et de venir. L'esprit français est là qui leur marque toujours, dans cette arène plus vaste, des bornes infranchissables. Victor Hugo a sauté par dessus, il est vrai; mais chaque fois qu'il les a franchies, il a abouti, lui et ses imitateurs, à une chute piteuse et lamentable. C'est une chose étrange que l'école romantique, au moment où, dans le domaine lyrique, elle faisait don à notre langue des richesses les plus incontestables, ait eu la singulière prétention de faire de la poésie dramatique son principal champ de bataille, et de vouloir engager la lutte là où elle devait être impuissante à occuper et à conserver sa conquête. Après avoir escaladé des rempaits mal défendus, et fait beaucoup de poussière et de vacarme en défonçant quelques cloisons et brisant quelques meubles hors d'usage, quand elle a trouvé la solide construction classique, elle y a usé ses outils et ses armes. Le silence s'est fait, comme après les fameuses cou- ches de la montagne en travail. La Bataille d'Hernani n'est plus que le souvenir d'une escapade d'écoliers. Avec quelque talent que Cop- pée ait cherché à lui donner, en la faisant revivre, des proportions épiques, je me bornerai à rappeler au poète que, surtout dans les luttes homériques, il y a beaucoup de combats purement légendaires. VI C'est donc en définitive sur les traces de nos vieux tragiques que nous allons suivre notre poète. Il n'a rien perdu à prendre cette voie. La langue de ses drames est supérieure à celle de ses premières