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REVUE CRITIQUE 23S mérite de la nouveauté. Il faut lui savoir gré d'avoir ajouté un portrait qui man- quait à la galerie si intéressante des personnages historiques du seizième siècle. Son livre se recommande par l'érudition des recherches et par les bonnes qualités du style. II sera lu avec fruit par ceux qui aiment l'histoire de notre pays et auss par ceux qui se plaisent à entendre le récit d'une belle existence. TROIS RÉVOLUTIONNAIRES. Turgot, Necker, Bailly, par NOURRISSON, membre de l'Institut. — Paris. Librairie académique de Didier. 18S5. Ce n'est point le hasard qui a amené sous la plume de M. Nourrisson le rappro- chement des noms de Turgot, Necket et Bailly. Un trait fut commun à ces trois hommes : ils ont été des révolutionnaires sans le savoir. M. Nourrisson ne pouvait avoir la prétention d'apporter des documents bien nouveaux sur des personnages si connus. C'était plutôt par l'ingéniosité des con- sidérations, par la variété des points de vue que son ouvrage devait se distinguer. C'est par là aussi qu'il se fait remarquer. Cependant, dans l'étude qu'il a consacrée à Turgot, M. Nourrisson a soulevé une question originale en même temps qu'in- téressante : je la signale à mes lecteurs. Il s'est demandé pourquoi Turgot, qui fut toujours un homme de mœurs régulières, qui a fait maintes fois l'apologie de l'institution du mariage, pour laquelle il professait un respect profond, ne s'est jamais marié. Sans lui permettre d'être absolument affirmatif, ses recherches l'amènent à considérer comme très probable et appuyée sur de fortes présomptions l'existence d'un empêchement dérivant de ce que, dans sa jeunesse, Turgot avait été engagé dans les ordres assez avant pour qu'il lui fût interdit de contracter mariage. Bien des raisons portent à croire qu'il avait reçu le diaconat. Le problème, comme on voit, est intéressant et singulier. « Il y a des hommes sur qui la gloire ne tient pas ». Cette parole de Necker, qui s'applique si bien à celui-là même qui l'avait prononcée, trouve sa confirmation dans l'examen détaillé que fait M. Nourrisson de Necker, écrivain, moraliste et politique. Comme toute l'école philosophique du xvm c siècle, il eut le tort d'en- visager uniquement l'homme abstrait, de s'imaginer qu'on pétrissait une nation comme on lime une phrase, dans le silence du cabinet. On connaît le résultat qu'obtinrent ses rêveries creuses, et que! sanglant démenti la réalité se chargea de leur infliger. Cette seconde partie du volume est pleine d'aperçus justes et piquants. Bailly fut un badaud libéral : ces deux termes ne jurent pas d'être accouplés, ils font même ensemble fort bon ménage. Il y avait en lui le germe d'où devait naître M. Prudhomme. Il semble que, dans le chapitre que lui a consacré M. Nour- risson, il manque quelque chose : l'auteur passe, en effet, bien rapidement sur l'entrée de Bailly dans la vie politique, et j'aurais aimé le voir donner quelques détails sur cette transition d'une existence calme et studieuse au tumulte des fane-