page suivante »
RÉUNION DE LA FRANCHE-COMTÉ A LA F R A N C E 519
le patois du Jura signifie souci, était né, en 1607, d'une famille
obscure, à Longchaumois, près de Saint-Claude. Dès l'âge de
vingt-deux ans, il entra au service de l'indépendance comtoise.
Devenu capitaine, il fit, à la tête de sa bande, un grand nombre
d'expéditions et de coups de main, combattant, du reste, à ses heures
et sans jamais trop se soumettre aux autorités du pays. On ra-
conte de lui des traits d'une audace incroyable. Un jour, désirant
s'emparer de la petite ville de Cuiseaux, il s'y introduisit déguisé
en capucin, et, dans un discours, attaqua si habilement le capi-
taine Lacuson, qu'on le chargea de la défense d'une des portes.
Le lendemain, le capucin, redevenu capitaine, introduisait sa
bande et se rendait maître de la ville. Un panneau de boiserie, qui
se trouve encore dans l'église de Cuiseaux, rappellerait cette
ruse de guerre. Il nous montre, dans une chaire, un renard enca-
puchonné, prêchant à des poules qui ouvrent le bec. Dans certains
chalets du Jura, on représente Lacuson portant une grande casaque
grise ensanglantée, avec une queue de renard autour du cou.
Chose singulière, cet homme, si rompu aux fatigues, si ardent,
si téméraire, n'avait pas le tempérament courageux. La bravoure,
chez lui, venait de la volonté. Sentant parfois, à la vue du danger,
trembler ses membres, il se mordait disant : « Ahl chair, il faut
que tu pourrisses... qu'as-tu peur! » La mort de Lacuson em-
pêche seule de le considérer comme un héros. Après l'annexion de
la Comté à la France, il alla guerroyer en Italie, et il trouva Ã
Milan une fin étrange dont l'histoire n'est pas encore parvenue Ã
èclaircir le mystère, et sur laquelle M. dePiépapene donne aucun
détail 1 .
La dernière guerre qui amena l'annexion eut pour prétexte les
droits de la reine. Marie-Thérèse n'ayant pas reçu la dot en ar-
gent qui lui avait été promise et n'ayant pas renoncé à ses droits
de succession,Louis XIV réclama la Franche-Comté en son nom.
Si absolu que fut ce monarque, il s'inquiétait de l'opinion
publique. Il en reconnaissait la force, et il en rechercha l'appui,
en faisant publier et répandre plusieurs brochures dans lesquelles
il soutenait la légitimité de ses droits. Le roi d'Espagne, non moins
i II, 143, 167, 366. ,
JUIN 1883. — T. V. 34