page suivante »
320 LA R ^ V U E LYONNAISE
onction. Mais son mari le lui défendit, ce qui lui fut très sensible.
« Mon enfant, lui dit-elle alors, car elle l'appelait ainsi, mon en -
fant, je ne vous ai jamais été désobéissante et je ne veux pas
l'être à la fin de ma vie. Mais je vous prie bien fort de faire pré-
parer mes funérailles, car, si vous attendez à demain, vous vous
plaindrez du temps. » Ah ! ce n'est rien que de se dépouiller de
'ses richesses et de se vêtir de bure, ce n'est même rien que dé
réfréner ses désirs ; mais renoncer pour Dieu aux consolations de
Dieu, afin de remplir le devoir d'obéissance, voilà qui est grand,
qui est beau, qui est véritablement sublime et véritablement
saint !
Il y a une chose devant laquelle croyants ou incroyants, fidèles
ou libres penseurs, chrétiens ou philosophes, tous s'inclinent, que
le monde lui-même, à travers ses préjugés et ses passions, admire
et respecte, c'est le martyre. Les grands artistes du seizième et
du dix-septième siècles ont peuplé nos édifices de toiles et de
marbres qui représentent des martyres. Les peintres espagnols,
notamment, ont retracé des supplices inouïs, incroyables, presque
impossibles. Ils nous ont montré les bourreaux grillant les chairs,
plongeant des tenailles rougies dans les membres, brisant les os et
distendantles muscles des patients. C'est horrible 1 Mais au-dessus
de la fumée qui s'échappe de ces odieux brasiers, au-dessus de ces
échafauds destinés à la torture et dans la construction desquels
s'est épuisée l'imagination du mal. et delà souffrance physique,
ils nous représentent le ciel ouvert ; le martyr est là , pendu à sa
croix, étendu sur la roue ; son œil ne voit pas le tortionnaire, sa
poitrine ne sent ni l'ardeur des flammes qui la consument, ni les
griffes acérées qui la déchirent ; il entend les harpes immortelles,
il découvre Dieu qui l'attend, et les couronnes que sa main lui a
tressées pour l'éternité. Ah 1 voilà ce qui le venge de ses bourreaux
et des ignominies de son heure dernière, voilà ce qui lui fait
braver la douleur et la mort, et pourtant ce sera toujours une
grande chose que de vaincre les frémissements de la chair par
la pensée, que d'attester sa foi par d'inénarrables supplices!
Eh bien ! il y a d'autres martyrs que ceux qui expirent sur les
bûchers et les chevalets ; il y a d'autres martyrs que ces héroïques
confesseurs qui vont au loin, au milieu des populations idolâtres,