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      LA VIE I N T É R I E U R E AU D I X - S E P T I È M E SIÈCLE   321
affronter une mort obscure et terrible pour la foi, la vérité et la
justice. Il y a les martyrs d'eux-mêmes; il y a ceux qui, au sein
du monde, dans le silence et le recueillement de leur cœur, ont, non
pas crucifié leur corps, mais crucifié leur volonté, leurs affections,
leurs goûts, leur amour-propre, leur délicatesse, toutes leurs
passions en un mot et jusqu'à leur liberté et leur intelligence, et
qui les ont offerts en holocauste à l'intelligence suprême, à la vo-
lonté et à la tendresse divines ; il y a ceux qui passent méconnus
et bafoués à travers les hommes, parce qu'ils aspirent à des
vertus que l'humanité dédaigne, comme-si elles ne la purifiaient
et ne l'embaumaient pas à son insu, oubliés, maudits même quel-
quefois par celle-ci dont la faiblesse est incapable de garder et
d'honorer de telles mémoires, quand elle se prosterne stupidement
sur les pas des dompteurs de peuples et des conquérants. Pauvres
cœurs que nous sommes ! Pour arracher notre admiration il faut
l'appareil de la puissance, il faut l'éclat des armes, le bruit du
canon, les monceaux de cadavres, il faut les acclamations qui
saluent le général victorieux, comme si se vaincre soi-même n'était
pas plus rare et plus difficile que de vaincre les autres !
   Ah ! essayons pour un jour de déplacer la gloire, et delà rendre
une fois au moins à ceux-là qui l'ont entièrement méritée! Et
pour cela que je voudrais avoir quelque puissance ! Je ne parle
pas de celle qui marchait autrefois à Rome précédée de faisceaux,
au moyen âge, précédée de l'épée et de la croix, et qui aujour-
d'hui.,, mais je m'arrête. Je parle de cette puissance de la parole
qui devient maîtresse d'une foule par la magie du talent, qui, pos-
 sédée de la vérité morale, la fait pénétrer par une sorte de violence
 dans l'âme de son auditoire, qui élève l'esprit, qui en guérit les
 plaies et l'accoutume comme par une contagion naturelle aux
 grands dévouements, aux grands actes de foi, aux nobles sacrifices.
 Que je voudrais avoir cette puissance, et comme j'aimerais à lire
 avec vous, dans les vies de ces modestes, mais fervents chrétiens
 du dix-septième siècle, le vivant commentaire de nos deux grands
 livres de la morale privée et de la science de l'àme, l'Ancien Testa-
 ment et l'Évangile de Jésus-Christ ! Gomme je vous exposerais
 dans tous ses détails l'héroïque et virile doctrine de leurs inter-
 prètes pratiques dans le monde de Louis XIV, comme je répéterais