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310 LA REVUE LYONNAISE
Je ne voudrais pas dire que l'Eglise du dix-septième siècle
inventa la direction des âmes, car cette direction a toujours été
l'un des soins les plus chers du clergé catholique ; mais il est
certain qu'elle la perfectionna. Citer saint François de Sales,
Bossuet, Fénelon, les cardinaux Bona et de Bérulle, le P. Riba-
deynera, le P. de Condren, le P. Le Jeune, le P. de Bourgoing,
Dom Bernard, André Duval, et tant d'autres dont les noms au-
trefois célèbres, oubliés aujourd'hui, étaient alors entourés du
respect des âmes pieuses et éveillent encore de nos jours chez les
héritiers de leurs traditions un souvenir de sagesse, de rectitude,
de bon sens élevé, de vertus libérales et fécondes, c'est citer les
premiers maîtres d'une science rajeunie, les premiers auteurs
d'une littérature spéciale, exquise et fortifiante que nous avons
maintenant quelque peine à comprendre, parce qu'elle demande,
pour donner tout son fruit, une saison plus propice que nos jours
tourmentés, et un terrain moins stérile que des âmes allanguies
par la soif insatiable de la jouissance. La discipline intellectuelle
qu'ils recommandent peut étonner notre faiblesse, leur curieuse
recherche de la perfection peut paraître supérieure à l'humanité,
leurs conseils peuvent porter, hélas ! plus haut que nous, mais
il ne faut nous en prendre qu'à nos répugnances pour toutefgulture
spirituelle et pour toute hygiène morale. Nous ne saurions les
accuser de quintessence ou de sévérité sans méconnaître étrange-
ment la sagesse à la fois simple, tendre et virile de ces pêcheurs
d'hommes. Aujourd'hui encore, si nous pouvions nous dépouiller
de certains préjugés, si nous changions seulement quelques termes
à leur langage, nous verrions avec quelle justesse leurs avis
s'appliquent à notre temps, à nos mœurs et à nous-mêmes. Dans
quelque condition que nous soyons placés, nous pouvons les inter-
roger sans crainte : nous recevrons toujours un conseil -plein de
tact et de mesure.
De ces laborieux ouvriers, de ces directeurs qui se livraient
sans relâche, selon le mot de Bossuet, à l'agriculture spirituelle,
je ne veux rappeler qu'un seul, et je le choisis à dessein, non pas
à la fin du siècle de Louis XIV, à ce moment où le roi vieillis-
sant avait communiqué à sa cour et à son peuple quelque reflet
de sa dévotion qui n'était pas chez tous, hélas! également sincère,