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        LA VIE I N T É R I E U R E AU DIX-SEPTIÈME SIECLE            311
  non pas à ce mois de septembre de son règne où l'on sentait déjà,
  alors que l'été durait encore, l'approche de l'hiver, c'est-à-dire
 du scepticisme élégant qui allait lui succéder, mais au début même
  du siècle, à l'heure où l'on sortait à peine des convulsions poli-
 tiques et des combats de la Réforme, à l'heure où les caractères
 étaient peut-être moins polis, plus âpres, plus prompts à la con-
 troverse, à la discussion, à la révolte, et aussi moins efféminés. Un
 homme dont cette ville a eu l'honneur de recevoir le dernier soupir,
 s'était depuis peu d'années assis sur le siège épiscopal de Genève.
 Son éloquence si douce, si persuasive, si entraînante, l'avait déjà
 placé au premier rang des orateurs chrétiens. Sa mansuétude
 achevait de lui gagner tous les coeurs. Des foules immenses s'atta-
 chaient, ravies, à ses pas; elles remplissaient les églises, elles
assiégeaient les portes de sa demeure. Il en était accablé. Mais s'il
en perdait quelquefois la force, il ne perdait ni la patience, ni la
 sincérité. « Ce sont des enfants, disait-il, qui courent au sein de
leur père. Une poule se fâche-t-elle quand ses poussins se jettent
tous à la fois sous ses ailes ? Elle étend, au contraire, le plus qu'elle
peut ses ailes maternelles, pour les couvrir tous ; et mon cœur
aussi me semble se dilater à mesure que le nombre de mes chers
enfants #*accroît autour de moi. » Et il ajoutait : « Je les veux
tant aimer, ces chers enfants, je les veux tant aimer! » A ce trait,
vous avez reconnu saint François de Sales. S'il avait été obligé
de ne choisir qu'un mot dans l'Évangile, il se fût décidé pour le
Sinite parvulos ad me ventre.
    J'ouvre donc saint François de Sales, j'ouvre son Introduction
à la vie dévote et sa correspondance spirituelle, je l'ouvre, je le
répète, non en mystique ou en ascète, mais en curieux seule-
ment, et je demande si l'on sait lequel admirer davantage
de sa pénétration ou de son bon sens, de la finesse avec
laquelle il découvre les misères de notre cœur ou de la tendresse
dont il use pour panser ses plus intimes blessures. Cette
tendresse même est discrète, elle n'excède jamais le droit rigoureux
de la direction. Elle ne sacrifie point la prudence au zèle, et veut
avant tout être mesurée. Elle aime Ventre-deux, elle ne s'avance
que pas à pas. Elle se tient en garde contre les séductions de la
spiritualité même, et n'ignore pas que les sentiments les plus purs