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                    LES GRÈS DE BOUSCARDON                           143
blanc grand comme un homme, — ille portait d'un seul effort à
 sa bouche, et en notes gutturales et profondes, il jetait au loin les
éclats retentissants de. ses objurgations magistrales, qui semblaient
 fracasser l'air en y passant.
    D'autres fois, surveillant toujours de son aire seigneuriale ce qui
 se passait sur ses domaines, il saisissait une longue-vue accrochée
 à côté du porte-voix, et examinait le point sur lequel un fait encore
.indécis semblait appeler son attention. S'il fallait y porter remède,
 il s'élançait à cheval lui-même, piquant droit sur le but, ou bien
 ils adressait quelques brèves paroles à son fils.
    Celui-ci s'inclinait sans mot dire, entrait à l'écurie où se trou:
 vait toujours un cheval tout sellé, jetait la bride au col de la bête,
 sautait en selle, et dévalait rapidement le chemin en casse-cou
 qui servait d'avenue ou plutôt de rampe au castel. Volant avec
 sa jument .blanche sur les guérets entr'ouverts, il semblait
 comme une apparition flottant sur les tombes.
     Le cavalier atteignait les paysans, expliquait,, rectifiait, gour-
 mandait, et, sa mission accomplie, revenait ventre à terre au
 manoir. Souvent cet incident se reproduisait trois, quatre fois par
 jour, tantôt au nord, tantôt au midi, et le cheval rouge du" père, et
 la jument blanche du fils, continuaient à galoper, jusqu'au coucher
  du soleil.
     Sombre et voûtée, à demi bâtie au dehors, à demi creusée dans
  le roc, était l'écurie. Un large pilier cylindrique, trapu, recevait
  au centre les retombées de six arêtes de voûtes surbaissées en
  anse de panier. Il y avait place pour six chevaux, mais depuis
  longtemps, les araignées filaient leurs toiles lourdes dépoussière
  dans la moitié des stalles.
     Point de remise : jamais deux roues, moins encore quatre,
  n'avaient franchi le seuil de l'étroit portail de la Cour d'honneur
  de Bouscardon. A part les chariots de ferme, nul véhicule sur toute
  la .propriété, incessament parcourue à cheval par les deux
   Grès. De vieux domestiques impotents , incapables de tout travail
   pénible, gardés par tradition charitable, faisant partie de la famille,
   composaient tout « l'office » du château.
      A vrai dire, les chevaux de MM. de Bouscardon étaient à eux
   et bien pour eux. Ils les achetaient toujours en foire et les payaient